mardi 17 avril 2007

Football

Y a un truc qui m'a marqué cette semaine, c'est le record du plus faible total de buts inscrits lors d'une journée du championnat de France de football : 8 buts en 10 rencontres. Canal + a acquis l'exclusivité des droits de la Ligue 1 pour la période 2005-2008 pour un montant de 1,8 milliard d'euros, soit 600 millions la saison, soit 150 000 euros le match. 150 000 euros pour un 0-0 entre Troyes et Nancy, ça fait un peu cher, non ? On pourrait presque tourner un long métrage à ce tarif-là.
Canal + était le principal financier du cinéma qu'il soutenait allègrement, parfois sans discernement, mais avec une passion indéniable. Tout le monde en croquait (pour employer une expression de l'immense Jean Yanne.) Le cinéma faisait partie de l'identité de la chaîne cryptée, au même titre que le foot. Si on peut mettre 600 000 000 d'euros (c'est plus impressionnant de mentionner la somme en chiffres) pour un spectacle aussi insipide, on peut en mettre un misérable petit million pour un film de qualité. La somme versée donne l'impression que le produit est bon, alors que le spectacle est soporifique et ennuyeux à souhait.
La comparaison entre l'évolution du foot et du cinéma est intéressante à plus d'un titre. Il s'agit de deux spectacles populaires qui ont progressivement vendu leur âme à la télévision. Pour suivre un match, il est plutôt recommandé de lire Les Echos que L'Equipe, car il est plus question de salaires des stars, de cotation des clubs en bourse et de commissions prises par les agents lors des transferts que de tacles glissés, de reprises de volée ou d'arrêts du gardien. Les joueurs de foot ont envahi les pages people des magazines, au même titre que les stars de cinéma (tiens, tiens !!!). Le foot spectacle est devenu un business qui brasse énormément d'argent.
De l'autre côté de la Manche, trois clubs anglais vont participer aux demi-finales de la Ligue des Champions. Hollywood a trouvé son pendant footballistique du côté de Londres. L'afflux massif d'investisseurs étrangers a contribué à rendre le championnat attractif. D'autre part, le respect des traditions et la fidélité à certaines valeurs ancestrales n'ont pas été (complètement) dévoyés par l'argent.
Si on regarde cette situation par le bout de la lorgnette française, on pourrait leur dire que leur cinéma est inexistant et qu'ils représentent le 51ème état d'Amérique, tant Hollywood a fait main basse sur les écrans british. Ken Loach a pourtant reçu la palme d'Or en 2006 et The Queen de Stephen Frears a rencontré un franc succès. Ce sont certes des vieux de la vieille et le renouvellement des générations n'est pas forcément une réalité. Working Title est une société de production novatrice, même si elle collabore essentiellement avec les Etats Unis. D'ailleurs, les Américains surnomment l'Océan Atlantique the pond (la mare). Néanmoins, les Britanniques ont su trouver de nouvelles sources
de financement pour sauver un cinéma moribond au début des 90ies en mettant à contribution la loterie nationale. Et le sentiment prédomine que quelque chose frissonne de ce côté-ci de la Manche.
Je ne dis pas qu'il s'agisse d'un exemple à suivre. Mais des mesures peuvent être prises pour favoriser la créativité en s'ouvrant vers des moyens de financement complémentaires de ceux de l'institution et des télévisions qui favorisent le formatage.
La spécificité française ne doit pas être la frilosité, l'attentisme et le contre. En regardant un match de foot français, j'ai le sentiment de voir un film français : le scénario est écrit à l'avance, on devine l'intrigue au bout de 5 minutes, on reste devant l'écran dans l'espoir qu'un éclair vienne donner son sens au "spectacle" proposé, mais on est immanquablement déçu. L'audace, l'ambition et la prise de risque (autant en matière de financement que de créativité) doivent être mises en valeur pour permettre au cinéma français de rayonner à nouveau. Quant au foot français (à part l'équipe de France qui est composé essentiellement de joueurs des championnats anglais, espagnols et italiens), j'ai définitivement perdu tout espoir de le voir briller à l'échelon continental.
La meilleure défense, c'est l'attaque...

1 commentaires:

Blogger Eric a dit...

je trouve ça assez beau, comme comparaison.
il me semble que ce qui manque en france, dans les deux cas, c'est les artistes............

20 avril 2007 à 16:47  

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