Autopsie d'un meurtre
Je viens de finir de lire le passionnant ouvrage de Pascal Mérigeau, Cinéma : Autopsie d'un meurtre (Flammarion, 2007). Je suis content de constater que je ne suis pas le seul pisse-vinaigre de la place de Paris, même si cette opinion d'une bonne santé trompeuse du cinéma français est plus répandue qu'on ne le croit. Il démonte avec exactitude et lucidité les ressorts de la situation actuelle du cinéma français qui a été formaté par la télévision, son principal bâilleur de fonds. Il porte un jugement sans concession sur la production française sans avoir peur de dire que la plupart des films qui sortent sur les écrans sont mauvais (je partage complètement son point de vue). Le cinéma est devenu un métier avant d'être une passion, une manière de se mettre en valeur plutôt que de mobiliser des énergies autour d'un projet, d'une histoire, d'un point de vue. La médiocrité est de mise et rien ne doit dépasser des frontières du connu, déjà-vu, prémâché. Esprit critique, où es-tu ? Le film est devenu un produit de consommation courante fabriqué pour satisfaire les besoins de la télévision pour des téléspectateurs qui veulent rester en terrain (re)connu, d'où la profusion d'animateurs télé, de comiques et d'acteurs de sitcoms devant et derrière la caméra.
Le cinéma français est à l'image de la société. Moins de 10 % des films français distribués dans l'année font 90 % des recettes, alors que le reste vivote et se contente des miettes. L'écart entre les riches et les pauvres se creuse constamment et la classe moyenne n'existe plus. On ne prête qu'aux riches et l'argent reste dans le circuit.
J'admire beaucoup Pascal Mérigeau pour deux raisons : un papier sur Marlon Brando dans le Première de septembre 1990 et son livre consacré à Joseph L. Mankiewicz (un de mes réalisateurs préférés.) Dire que je lis régulièrement ses articles dans Le Nouvel Observateur serait mentir, mais son nom compte pour moi. Au moment où je me constituais en tant que cinéphile, ses écrits m'ont dirigé vers des films qui allaient me marquer au fer rouge. A la suite de l'article de Première, je me suis empressé de me procurer des films comme L'Homme à la peau de serpent, de Sidney Lumet (d'ailleurs, Nicolas Cage, dans Sailor et Lula, de David Lynch, avec sa veste en peau de serpent, faisait la couverture du Première en question), Le Corrupteur, de Michael Winner, Viva Zapata, d'Elia Kazan ou Jules Cesar, de Joe Mankiewicz. J'ai ensuite enrichi ma filmothèque de films de Mankiewicz, en visionnant All about Eve (quel film extraordinaire !), Chaînes conjugales, Quelque part dans la nuit, Le Reptile, La Comtesse aux pieds nus, Le Château du dragon (vu au cinéma Le Champo) ou Guêpier pour trois abeilles (vu à l'Action Christine) après avoir découvert ce réalisateur lors d'un cycle au Cinéma de minuit consécutif à son décès en 1993 (les films programmés furent L'Aventure de madame Muir, La Maison des étrangers, L'Affaire Cicéron, On murmure dans la ville, Soudain l'été dernier et Le Limier).
Son discours a donc d'autant plus de poids qu'il est prononcé par quelqu'un de passionné par le cinéma et qui se désole de voir un art qu'il a vu évoluer depuis trois décennies se dévoyer sous l'effet dévastateur de la télévision et du nivellement vers le bas qu'elle entraîne dans son sillage. Le portrait de la situation actuelle ferait fuir les prétendants producteurs, tant la perspective du pain sec et de l'eau (du robinet en plus) attend les nouvelles générations qui entendent fabriquer un film ambitieux et de qualité sans l'apport de la télévision et des gros distributeurs.
Pour ma part, ce désert culturel motive le producteur en herbe que je m'efforce d'être. Entrer en résistance peut (doit) donner naissance à des projets exigeants, ambitieux, à l'encontre du goût du jour fabriqué par les conseillers en communication des grandes chaînes de télévision. Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois, dit un dicton populaire que j'ai plagié pour un post précédent. Mais ceux qui ont une vue perçante sont des seigneurs, car leurs films se démarqueront à la fois de la production courante et des médiocrités inabouties qu'un système de financement bancal a condamné d'avance au bâclage.
Il existe autour de moi un film in progress dont le sous-financement et le mépris du couple télévision-distributeur pour son exigence me met mal à l'aise. Pourtant, le producteur, le réalisateur et son équipe se battent chaque jour pour transformer les contraintes qui s'abattent régulièrement sur la préparation en défis qui rendront ce film meilleur. Le potentiel du réalisateur en question, sa passion pour son métier, la finesse et l'intelligence de son scénario, et le désir qu'il insuffle à son équipe finiront immanquablement par trouver une juste récompense.
Le succès inattendu de films comme La Vie des autres ou Little miss Sunshine est réconfortant car il prouve qu'il existe une troisième voie pour peu que l'audace et la conviction soient au rendez-vous.
En tout cas, cher Pascal, c'est quand vous voulez qu'on discute autour d'un café...
Le cinéma français est à l'image de la société. Moins de 10 % des films français distribués dans l'année font 90 % des recettes, alors que le reste vivote et se contente des miettes. L'écart entre les riches et les pauvres se creuse constamment et la classe moyenne n'existe plus. On ne prête qu'aux riches et l'argent reste dans le circuit.
J'admire beaucoup Pascal Mérigeau pour deux raisons : un papier sur Marlon Brando dans le Première de septembre 1990 et son livre consacré à Joseph L. Mankiewicz (un de mes réalisateurs préférés.) Dire que je lis régulièrement ses articles dans Le Nouvel Observateur serait mentir, mais son nom compte pour moi. Au moment où je me constituais en tant que cinéphile, ses écrits m'ont dirigé vers des films qui allaient me marquer au fer rouge. A la suite de l'article de Première, je me suis empressé de me procurer des films comme L'Homme à la peau de serpent, de Sidney Lumet (d'ailleurs, Nicolas Cage, dans Sailor et Lula, de David Lynch, avec sa veste en peau de serpent, faisait la couverture du Première en question), Le Corrupteur, de Michael Winner, Viva Zapata, d'Elia Kazan ou Jules Cesar, de Joe Mankiewicz. J'ai ensuite enrichi ma filmothèque de films de Mankiewicz, en visionnant All about Eve (quel film extraordinaire !), Chaînes conjugales, Quelque part dans la nuit, Le Reptile, La Comtesse aux pieds nus, Le Château du dragon (vu au cinéma Le Champo) ou Guêpier pour trois abeilles (vu à l'Action Christine) après avoir découvert ce réalisateur lors d'un cycle au Cinéma de minuit consécutif à son décès en 1993 (les films programmés furent L'Aventure de madame Muir, La Maison des étrangers, L'Affaire Cicéron, On murmure dans la ville, Soudain l'été dernier et Le Limier).
Son discours a donc d'autant plus de poids qu'il est prononcé par quelqu'un de passionné par le cinéma et qui se désole de voir un art qu'il a vu évoluer depuis trois décennies se dévoyer sous l'effet dévastateur de la télévision et du nivellement vers le bas qu'elle entraîne dans son sillage. Le portrait de la situation actuelle ferait fuir les prétendants producteurs, tant la perspective du pain sec et de l'eau (du robinet en plus) attend les nouvelles générations qui entendent fabriquer un film ambitieux et de qualité sans l'apport de la télévision et des gros distributeurs.
Pour ma part, ce désert culturel motive le producteur en herbe que je m'efforce d'être. Entrer en résistance peut (doit) donner naissance à des projets exigeants, ambitieux, à l'encontre du goût du jour fabriqué par les conseillers en communication des grandes chaînes de télévision. Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois, dit un dicton populaire que j'ai plagié pour un post précédent. Mais ceux qui ont une vue perçante sont des seigneurs, car leurs films se démarqueront à la fois de la production courante et des médiocrités inabouties qu'un système de financement bancal a condamné d'avance au bâclage.
Il existe autour de moi un film in progress dont le sous-financement et le mépris du couple télévision-distributeur pour son exigence me met mal à l'aise. Pourtant, le producteur, le réalisateur et son équipe se battent chaque jour pour transformer les contraintes qui s'abattent régulièrement sur la préparation en défis qui rendront ce film meilleur. Le potentiel du réalisateur en question, sa passion pour son métier, la finesse et l'intelligence de son scénario, et le désir qu'il insuffle à son équipe finiront immanquablement par trouver une juste récompense.
Le succès inattendu de films comme La Vie des autres ou Little miss Sunshine est réconfortant car il prouve qu'il existe une troisième voie pour peu que l'audace et la conviction soient au rendez-vous.
En tout cas, cher Pascal, c'est quand vous voulez qu'on discute autour d'un café...
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