vendredi 6 avril 2007

Version originale

Un des sujets de discorde les plus violents pour un cinéphile concerne le respect de la version originale. Tout le monde s'accorde à penser que l'image est inaliénable, qu'un film en noir et blanc ne doit pas être colorisé, ou que le format de projection doit être respecté (l'inventeur du pan & scan devrait être pendu haut et court sur la place publique). En revanche, le son suscite moins de débats passionnés. On trouve normal que la voix du comédien, qui fait partie de son jeu, soit remplacée par la voix d'une autre personne qui n'a rien à voir avec le film. Le doubleur n'a sûrement pas été choisi par le réalisateur qui est le garant de l'intégrité artistique du film. Pourtant, personne ne trouve rien à redire, à part les puristes qui sont - c'est bien connu - des chipoteurs au discours d'arrière-garde. Que fait-on des accents et des expressions propres à une langue ? des modulations de voix ? Les intonations japonaises sont-elles traduisibles en une quelconque autre langue ? Il est vrai que le cinéma a d'abord été muet (silencieux comme disent plus justement les anglo-saxons) avant de prendre la parole. Mais quand même... Même ARTE ne passe plus de film en VO aux heures de grande écoute...
Quand j'étais gamin, je regardais "La dernière séance." Mon père était fan (l'est toujours d'ailleurs) des westerns et des films d'aventures. Il me demande encore souvent si j'ai des films de Randolph Scott ou Alan Ladd dans ma DVDthèque.
Eddy Mitchell était tout le temps entourée de grâcieuses spectatrices en émoi devant les connaissances cinéphiliques de maître Eddy. Je me suis dit que ce serait un bon plan pour draguer les nanas... C'est sûrement l'acte fondateur de ma cinéphilie... Enfin bref... J'étais alors persuadé - dans le même élan que mon frère aîné - que la terre entière parlait le français. Un peon mexicain, un pharaon d'Egypte, un consul romain ou un hors-la-loi du Kansas parlaient la langue de Molière avec la même aisance qu'un avocat du barreau parisien. Même Robin des Bois causait notre langue... Dans la forêt de Sherwood ou chez le shérif de Nottingham, point d'anglais à l'horizon... Et dans les films de guerre, même les belligérants communiquaient tous dans le même idiome (synonyme de langue que je viens de trouver pour ne pas avoir à me répéter). Le discours inaugural de Patton dans le film du même nom m'aurait fait repousser les Allemands jusqu'au Pôle Nord, tellement c'était beau et patriotique. En plus, il parlait français sur fond de drapeau américain (prenez ça dans la gueule, messieurs les Républicains !) Le rêve des hommes d'abolir les différences de langue se réalisait par la simple magie d'un doublage, qu'il soit synchrone ou pas. Babel n'est décidément qu'un mythe. Il était souvent trop tard pour voir le deuxième film diffusé en version originale (mais pas assez pour rater le dessin animé de Tex Avery entre les sénaces, qui LUI était en VO... j'en ai donc tiré la conclusion que l'anglais était une langue destinée aux cartoons), car il ne fallait pas arriver en retard à l'école le lendemain pour le cours d'anglais. A quoi bon prendre des cours d'anglais puisque notre planète, que dis-je l'univers ("On parle le français" était écrit sur toutes les bonnes auberges de Krypton, la planète de Superman), était familière des Fables de la Fontaine ? Seul Droopy résistait vaillamment à l'invasion impérialiste et hégémonique de notre langue...
J'étais donc dans l'ignorance de l'existence d'autres langages, du moins au cinéma. Les comédiens de théâtre à l'articulation forcée et emphatique doublaient des acteurs populaires comme John Wayne ou Humphrey Bogart (cherchez l'erreur...) Mais, le plus drôle, c'est le recours à l'accent marseillais pour doubler des comédies méridionales italiennes, telles que Pain, amour et fantaisie, de Luigi Comencini (1953), avec Vittorio de Sica et Gina Lollobrigida. A mourir de rire...
Comme le disent si bien nos amis italiens, traduttore tradittore...

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