jeudi 31 mai 2007

Woody Allen

Toujours obsédé par la mort, je médite constamment. Je ne cesse de me demander s'il existe une vie ultérieure, et s'il y en a une, peut-on m'y faire la monnaie de vingt dollars ?

L'argent est préférable à la pauvreté, ne serait-ce que pour des raisons financières. Non pas qu'il puisse acheter le bonheur. Prenons le cas de la cigale et de la fourmi. La cigale chante tout l'été tandis que la fourmi travaille et économise. Quant survient l'hiver, la cigale n'a rien, mais la fourmi a attrapé un tour de reins.

Gardons à l'esprit que, pour qui aime, la personne aimée est toujours la plus belle de toutes, même si un étranger ne peut pas la distinguer d'un banc de sardines. La beauté est dans les yeux de l'amoureux. Si l'amoureux a mauvaise vue, il peut toujours demander à une tierce personne quelle fille est la plus belle. Malheureusement, les plus belles sont toujours les plus enquiquinantes, ce qui fait douter certains de l'existence de Dieu.

Question : pourquoi l'homme tue-t-il ? Il tue pour sa nourriture. Et point uniquement pour cela : il faut boire aussi.

Bien que je ne crois pas à une vie future, j'emporterai quand même des sous-vêtements de rechange.

La nuit dernière, j'ai brûlé toutes mes pièces et tous mes poèmes. Ironie du sort, alors que je brûlais mon chef-d'œuvre, Le Pingouin Noir, tout l'appartement prit feu, et je suis maintenant traîné en justice par mes voisins. Kierkegaard avait raison.

Pouvons-nous actuellement " connaître " l'univers ? Mon Dieu, c'est déjà suffisamment difficile de trouver son chemin dans Greenwich Village ! L'important toutefois est : Y à-t-il quelque chose là dehors ? Et quoi ? Et pourquoi ça fait tellement de potins ?

L'univers n'est jamais qu'une idée fugitive dans l'esprit de Dieu. Pensée joliment inquiétante, pour peu que vous veniez d'acheter une maison à crédit.

J'ignorais totalement qu'Hitler fût un nazi. Pendant des années, j'ai cru qu'il travaillait pour la compagnie des téléphones.

Non seulement Dieu n'existe pas, mais essayez d'avoir un plombier pendant le week-end !

Nous vivons dans une société trop permissive. Jamais encore la pornographie ne s'était étalée avec une telle impudeur. Et en plus, les films sont flous !

Mes films sont une forme de psychanalyse, sauf que c'est moi qui suis payé, ce qui change tout !

C'est dur de faire un film, mais travailler pour de bon, c'est pire !

Ce n'est pas que j'aie vraiment peur de mourir, mais je préfère ne pas être là quand ça arrivera.

- Le sexe sans amour est une expérience vide.
- Oui, mais parmi les expériences vides, c'est une des meilleures !

La différence entre le sexe et la mort, c'est que mourir, vous pouvez le faire seul, et personne ne se moquera de vous.

Si seulement Dieu pouvait me faire un signe ! Comme faire un gros dépôt à mon nom dans une banque suisse.

Quand vous êtes mort et que quelqu'un crie "Debout là-dedans, c'est l'heure de se lever", c'est difficile d'enfiler ses pantoufles.

Un petit mot sur la contraception orale. J'ai demandé à une fille de coucher avec moi et elle a dit "non".

Je hais la réalité mais c'est quand même le seul endroit où se faire servir un bon steak.

Hollywood ? C'est une usine où l'on fabrique dix-sept films sur une idée qui ne vaut même pas un court métrage.

Je ne veux pas atteindre l'immortalité grâce à mon oeuvre. Je veux atteindre l'immortalité en ne mourant pas.

Hé ! Ne te moque pas de la masturbation ! C'est faire l'amour avec quelqu'un qu'on aime...

L'homme exploite l'homme et parfois c'est le contraire.

Il est impossible de se déplacer plus vite que la lumière, et ce serait idiot car on perdrait son chapeau en route.

L'intelligence artificielle se définit comme le contraire de la bêtise naturelle.

Si Dieu existe, j'espère qu'il a une bonne excuse.

La célébrité m'a apporté un gros avantage : les femmes qui me disent non sont plus belles qu'autrefois.

Une auto-stoppeuse est une jeune femme, généralement jolie et court vêtue, qui se trouve sur votre route quand vous êtes avec votre femme.

Selon les astronomes modernes, l'espace est limité. Voilà une pensée très réconfortante, particulièrement pour les gens qui ne se rappellent jamais où ils ont mis les choses.

Pour ma part, je suis hétérosexuel. Mais il faut le reconnaître, le bisexuel a deux fois plus de chances le samedi soir.

J'ai été expulsé du lycée pour avoir triché pendant un examen de métaphysique ; je lisais dans les pensées de mon voisin.

La dernière fois que j'ai pénétré une femme, c'était en visitant la statue de la Liberté.

Les ennuis, c'est comme le papier hygiénique, on en tire un, il en vient dix.

Je tiens beaucoup à ma montre, c'est mon grand-père qui me l'a vendue sur son lit de mort.

L'avenir contient de grandes occasions. Il révèle aussi des pièges. Le problème sera d'éviter les pièges, de saisir les occasions et de rentrer chez soi pour six heures.

Le sexe apaise les tensions. L'amour les provoque.

Quand j'ai été kidnappé, mes parents ont tout de suite agi : ils ont loué ma chambre.

L'amour, c'est sale ? Oui, quand c'est bien fait.

Si je fais si bien l'amour, c'est que je me suis longtemps entraîné tout seul.

Le côté positif de la mort est que l'on peut l'être en restant couché.

Être aimé est très différent d'être admiré, car l'on peut être admiré de loin, alors que pour aimer réellement quelqu'un, il est essentiel de se trouver dans la même chambre, et si possible sous le même drap.

Et Abraham tomba à genoux :[...]
Mais cela ne prouve-t-il pas que je T'aime ? J'étais prêt à tuer mon fils unique pour Te montrer mon amour...
Et le Seigneur parla, en sa grande sagesse :
- Ça ne prouve qu'une chose : que des crétins suivront toujours les ordres, si imbéciles soient-ils, pour peu qu'ils soient formulés par une voix autoritaire, retentissante et bien modulée !

Il ne fait aucun doute qu'il existe un monde invisible. Cependant, il est permis de se demander à quelle distance il se trouve du centre-ville et jusqu'à quelle heure il est ouvert.

- Depuis combien de temps votre mari avait-il des insomnies ?
- Depuis des années. C'était psychique. Il craignait que, s'il fermait les yeux, la municipalité n'en profite pour peindre une ligne jaune sur lui.

Les femmes disent que je suis un mauvais coup. Ce sont vraiment de mauvaises langues, comment peuvent-elles dire ça en 2 minutes?

Dieu est mort, Marx est mort et moi-même, je ne me sens pas très bien ...

A Los Angeles, ils ne jettent pas leurs ordures. Ils en font des émissions de variétés pour la télévision.

Entre la femme et moi, il y a toujours une fermeture éclair qui se coince.

Il n'y a que deux choses qu'on peut contrôler dans la vie. L'art et la masturbation...

J'ai été élevé dans la religion juive, qui m'a appris à ne pas épouser une fille non juive, à ne pas me raser le samedi, et surtout à ne pas raser une fille non juive le samedi.

Je devais être fusillé ce matin à six heures. Mais comme j'avais un bon avocat, le peloton n'arrivera qu'à six heures trente.

Je ne mange pas d'huîtres. Je veux que mes aliments soient morts. Ni malades, ni blessés, simplement morts.

Je ne sais pas ce qui m'inquiète à propos de la mort : sans doute les horaires.

L'humanité est à un croisement: un chemin mène au désespoir, l'autre à l'extinction totale. Espérons que nous aurons la sagesse de savoir choisir.

lundi 28 mai 2007

Palmarès

Il est assez cocasse de penser que le Festival de cinéma le plus prestigieux délivre sa récompense la plus importante à un film roumain qui a coûté 600 000 euros (contre 85 000 000 d'euros pour Zodiac de David Fincher, soit 141 fois le coût total de 4 mois, 3 semaines et 2 jours, de Cristian Mungiu, lauréat de la Palme d'Or). C'est comme si une Trabant gagnait le prix de la meilleure voiture au Salon de l'automobile devant la bagnole à James Bond truffée de gadgets (ah bon ! il n'y a pas de récompense au salon de l'auto ?)
En même temps, c'est assez réconfortant de savoir qu'un film à petit budget puisse remporter la Palme d'Or. Il ne faut pas oublier que la majorité des films ont des budgets inférieurs au million d'euros... Les blockbusters sont la partie visible de l'iceberg (tiens, y avait Titanic sur TF1 hier en parlant d'iceberg et de gros budgets...) Il est donc juste de se réjouir de la récompense attribuée au film de Cristian Mungiu. Messieurs les "gens qui donnent du fric pour faire des films", prenez-en de la graine : un film à budget modeste, mais à l'histoire forte et audacieuse peut apporter plus qu'un succès d'estime et toucher un public relativement important.

dimanche 27 mai 2007

Au Revoir Simone


Tout au long de l'exposition qui lui est consacrée à la Fondation Cartier, David Lynch a invité certains artistes à effectuer des show case. Le groupe new yorkais "Au Revoir Simone" a donc interprété quelques chansons issues de leur dernier album The Bird of music. En plus d'être très mignonnes, ces trois demoiselles - Heather, Erika et Annie - chantent merveilleusement. Leur musique rappelle Air avec des mélodies poétiques sur fond de musique onirique électronique.
A découvrir absolument.

The Air Is On Fire

Les cinéastes continuent à investir les musées. David Lynch s'y colle à son tour avec l'exposition qui lui est consacrée à la Fondation Cartier pour l'Art contemporain et qui se clôture ce dimanche 27 mai, jour de la proclamation du Palmarès du 60ème Festival de Cannes, du Grand Prix de Monaco et de la première journée des Internationaux de France de Roland-Garros (un beau dimanche devant la télé en perspective...). Mais là où les autres expos remettaient en perspective l'oeuvre de cinéastes (Hitchcock, Godard, Renoir, Almodovar) par rapport à d'autres arts, David Lynch propose au public sa production artistique qui est parallèle à sa carrière cinématographique... parfois même détachée de son oeuvre filmique. Du moins est-ce l'impression de que j'ai pu avoir en parcourant les travées de la Fondation Cartier.
Première constatation : David Lynch n'a jamais cessé de dessiner, d'avoir une activité artistique. Il a tout conservé. Mais la quantité suppose-t-elle forcément la qualité ? En l'occurrence, non. Certains ont même parlé de "foutage de gueule" en voyant des dessins gribouillées sur le premier support qui lui tombe sous la main : boîtes d'allumettes, sac à vomi, serviettes en papier, PQ, post-it, pages de scénarios, et j'en passe...
Les photos en noir et blanc retouchées montrent une influence évidente à Man Ray avec un noir et blanc contrasté à tendance fortement imaginative. La salle de la série des "Distorted nudes" est déconseillée aux personnes sensibles. Ces clichés de corps transpercés par des pénis géants ou déformés sont trop répétitifs pour obtenir l'adhésion.
Les peintures géantes sont plus intéressantes. Le mélange des matières et la présence d'écriture et de collages leur donnent un aspect très narratifs. C'est pour ça qu'elles me parlent. Elles se rapprochent le plus de son oeuvre cinématographique. Cependant, le double parrainage de Francis Bacon et Matthew Barney saute aux yeux, même si les thèmes et préoccupations sont personnels. La matière organique qu'il utilise le singularise volontiers (ses tableaux sont jonchés de jean, chemise, patte de poulet, chewing gums,...) Mais l'absence d'espoir et de "beauté" qui se dégagent de son oeuvre contribue à le rendre hermétique à mes yeux.
Je n'ai pas fait énormément de rapprochement avec ses films. La salle rouge miniature évoque bien sûr Twin Peaks ou Lost highway. Mais Eraserhead est sûrement le film qui reflète le mieux son activité artistique. Normal, c'est son premier film et son oeuvre la plus expérimentale...

vendredi 25 mai 2007

Le Franc-tireur


J'invite tous les lecteurs de cette chronique de se brancher sur ARTE le dimanche 27 mai 2007 à 22h45 pour découvrir le documentaire de Michael Henry Wilson Clint Eastwood, le franc-tireur. J'ai eu l'honneur de découvrir cette oeuvre lors de la projection presse il y a deux semaines et j'ai été touché par l'humanité et le refus du compromis de Clint Eastwood. C'est à la fois un maverick, un iconoclaste et un contrebandier. Son statut de légende vivante n'est pas usurpé. Michael Henry Wilson réussit constamment a instaurer une intimité et sa sincère complicité avec le cinéaste est communicative. Dommage que Honky Tonk man, diffusé juste avant, soit en version française...

Cannes à l'envers

Le festival de Cannes touche à sa fin. Le palmarès de la 60ème édition sera prononcé ce week-end après la projection de tous les films de la sélection et des sections parallèles. Les observateurs ont retenus leur souffle devant la montée mythique des marches vers le Palais. Les festivaliers, épuisés par plusieurs jours et nuits de débauche, pourront enfin rentrer à Paris. Bref, le cinéma a été à l'honneur tout au long de cette quinzaine. Le cinéma ?
Pour Cannes, le cinéma est devenu un produit d'appel et un prétexte pour faire parler de la Région. Toutes ces célébrations me filent envie de gerber en sachant que la majorité des films ont tant de mal à se financer. Une nuit au Martinez équivaut à un court métrage, une soirée dans un grand hôtel permettrait de financer la moitié d'un long. Il vaut mieux mettre son blé dans les films que dans des private parties. Qu'on ne se méprenne pas ! Les festivals sont très importants, Cannes le premier. Mais, rendons-le aux cinéastes et aux films. La "pipolisation" ne rajoute rien à sa légende qui est déjà établie.
Le cinéma d'en-bas, qui se saigne aux quatre veines pour réunir un semblant de financement potable et qui tranche dans le lard dans le scénario pour entrer dans les cases, ne se reconnaît pas dans ce déploiement ostentatoire et superficiel de glamour. Il est donc nécessaire de mettre en place une contre-manifestation. Je propose de l'organiser dans le Nord de la France, pour respecter une symétrie géographique. Le bassin minier du Pas de Calais serait enchanté d'accueillir une telle manifestation. Les villes de Lens, Boulogne-sur-Mer ou Valenciennes seraient sûrement intéressées... Ou alors pourquoi pas Sangatte ? Les regards seront braqués sur la descente des marches (vers une salle de cinéma aménagée dans une mine de charbon désaffectée), qui serait un hommage à Jean Cocteau et Orphée. Orfeu negro de Marcel Camus a d'ailleurs reçu la Palme d'Or à Cannes en 1959. Le cinéma se trouve en effet dans la situation d'Euridyce qui se dirige inéluctablement vers l'enfer et qui a besoin d'un Orphée avec une minerve au cou (faut pas qu'il se retourne, ce con !) pour le ramener à la surface. En guise de récompense, le vainqueur recevra un casque d'or (j'aime beaucoup les films de Jacques Becker, notamment Goupi Mains Rouges, Falbalas, Le Trou, Rendez-vous de juillet et... Casque d'or) avec une lanterne pour voir dans l'obscurité des mines. Le jury ? Je propose de réunir la confrérie des vagabonds de Viridiana de Luis Buñuel (qui s'est vu décerner le Palme d'Or en 1961) pour juger de la qualité des films.
Ça aurait de la gueule, non ? Comme quoi, tout n'est pas à jeter dans la Méditerranée à Cannes (et surtout pas les films...)


mardi 22 mai 2007

Les Dossiers de l'écran


La musique du générique des "Dossiers de l'écran" a traumatisé toute une génération entre 1967 et 1991. Le principe de cette émission consistait à associer un film illustrant un sujet de société donnant lieu à un débat après la diffusion. Le thème quasi martial du générique conférait une solennité indéniable. On était au garde-à-vous en entendant ces sons angoissants. A cettte époque, au moins, le cinéma était considéré comme un véritable témoin et les films étaient crédibles pour mettre en perspective des événements de la société.
Jean-Pierre Melville, immense metteur en scène, a utilisé cette musique de Morton Gould pour illustrer L'Armée des ombres (1969), chef d'oeuvre sur la Résistance avec Lino Ventura, Paul Meurisse, Jean-Pierre Cassel (qui vient de décéder il y a quelques jours) et Simone Signoret. Une déflagration tellurique dont je mettrai longtemps pour en mesurer l'ampleur... Un chef d'oeuvre à inscrire au Patrimoine de l'Humanité de l'UNESCO. Les silences, l'utilisation de la musique confèrent une grandeur à ce film, à l'image des actes héroïques des réseaux de la résistance. Auteur de plusieurs films qui ont influencé de nombreux cinéastes asiatiques, Melville s'attarde ici sur un réseau de Résistance dont il décrit autant les activités qu'il met en scène les doutes qui les assaillent au moment de certaines opérations hautement stratégiques (la fameuse raison d'état). Certaines scènes sont mémorables, avec une intensité dramatique extrême. L'assassinat du traître qui a dénoncé Philippe Gerbier, le résistant interprété par Lino Ventura, est extraordinaire. Gerbier et ses deux complices ne peuvent lui tirer dessus car une famille vient de s'installer dans une maison mitoyenne et le bruit du revolver pourrait les alerter. Ils cherchent alors un moyen de l'éliminer en toute discrétion. Pendant cette prériode de réflexion, les deux acolytes, Le Masque et Le Bison, s'interrogent sur la nécessité de tuer le traître et leurs doutes se transforment en peur du passage à l'acte. Finalement, le est étranglé après avoir été bâillonné. Tout est dit dans cette scène : l'importance des prises de décisions, le doute devant les actes à accomplir, la primauté de la mission sur les individus, la loyauté et la trahison, la difficulté ontologique à tuer, même pour une juste cause... Filmée en temps réel, la tension de cet assassinat est quasiment insoutenable.


La narration introspective du film en fait le pendant du Silence de la mer que Melville a réalisé en 1947 d'après la nouvelle de Vercors. Dans ce film, un officier allemand est assigné à résidence dans la maison retirée d'un vieil homme vivant avec sa nièce. Il se livre tous les soirs au moment du souper à des monologues sur le patriotisme et le rapprochement des peuples prônés par le nazisme, malgré le mutisme implacable de ses deux hôtes. Une voix off introspective exprime invariablement leurs pensées. L'Armée des ombres utilise ce procédé avec plus de parcimonie, mais le principe est le même. A noter que le comédien qui interprète le vieil oncle, Jean-Marie Robain, campe dans L'Armée des ombres le personnage du baron
de Ferté-Talloire, royaliste convaincu qui déteste l'occupant encore plus que la République. Ce qui accrédite encore plus la filiation entre les deux films.
Moi qui ne cesse de rabâcher la frilosité française lorsqu'il s'agit de fouiller dans sa mémoire, je ne peux que m'incliner devant ce film de Melville qui brosse un portrait réaliste de la Résistance dont a lui-même été au service pendant la guerre. Melville est manifestement un cinéaste essentiel...

mercredi 16 mai 2007

Boulimie


En ce moment, je me fais actuellement une cure vitaminée de films français pré-Nouvelle Vague. Vous avez bien lu, fidèles lecteurs, de films français... Je mange du noir et blanc aux trois repas. Ma frénésie est telle que je regarde au moins un film par jour. Une question me trotte dans la tête : comment ai-je pu passer à côté de tels chefs d'oeuvre ? Je ne me rendais pas compte des merveilles que j'avais sous les yeux. Mon père et mon frère adorait ces films, donc je devais les détester... Logique aussi stupide que celle des jeunes Turcs qui fustigeaient ce cinéma de papa... Il y a pourtant tout dans ces films : des comédiens extraordinaires, des scénarios soignés, des histoires qui tiennent la route, une richesse thématique et artistique, de l'audace dans la mise en scène... Bref, tout ce qui manque dans le cinéma français actuel... Je viens de voir Goupi Mains Rouges de Jacques Becker (1942), un psychodrame familial très noir dans le milieu de la paysannerie. Tous les travers humains sont décrits, de la cupidité à la violence, en passant par l'abus de pouvoir. On se croirait dans un roman américain d'Erskine Caldwell agrémenté de la mesquinerie propre à certains milieux ruraux français. Et dire que je pensais que c'était une comédie ! Le titre m'a induit en erreur... Je suis impatient de découvrir à présent Falbalas, une comédie douce amère du même Jacques Becker sur le milieu de la mode.
Par contre, il y a quelque chose qui me fait rire dans ces films, ce sont les prénoms des jeunes filles. Tu vois apparaître une femme très attirante qui répond au patronyme de Hortense, Micheline ou Lucienne. Je ne peux pas m'empêcher de penser à une grand-mère se déplaçant en déambulateur... Les hommes ne sont pas en reste, avec les Nestor, Eugène ou Anatole, des prénoms qui peuplent les maisons de retraite...



dimanche 13 mai 2007

45, rue Polivot

Je lisais la semaine dernière une chronique dans Le Monde 2 sur Lucien Rebatet, l'écrivain antisémite aux idées nauséabondes, au sujet de la réédition de ce qui est unanimement reconnu comme un chef d'oeuvre d'humanité : Les Deux étendards. Comme Céline, il charrie derrière lui cette double question : faut-il saluer son génie littéraire ou dénoncer ses prises de position odieuses ? Bien sûr, la dénonciation doit être sans réserve et l'apologie de sa pensée doit être proscrite. Mais doit-on passer à côté d'une oeuvre aussi puissante que Voyage au bout de la nuit ?

C'est bizarre que ces questions me viennent à l'esprit après la victoire d'un candidat que je ne nommerai pas aux élections présidentielles françaises ? Il n'y a pas de hasard si je fais une cure de cinéma classique de qualité à la française sur lequel les Jeunes Turcs de la Nouvelle Vague ont tiré à boulets rouges. Récemment, j'ai vu L'Auberge rouge de Claude Autant-Lara (1951), une comédie noire jubilatoire et anticléricale avec Fernandel. L'aubergiste interprété par Carette tue les voyageurs de passage pour les délester de leur fortune, aidé par sa femme, sa fille et son esclave noir. Le dernier personnage se fait d'ailleurs allègrement traiter de "moricaud" ou de "nègre".


La Traversée de Paris (1956) est également un chef d'oeuvre. La scène dans laquelle Jean Gabin, accompagné de Bourvil, vient récupérer chez l'épicier (Louis de Funès) le cochon découpé en pièces destiné à être livré de l'autre côté de Paris en pleine période d'Occupation pour être vendu au marché noir, fait partie du Panthéon du cinéma français. Il résonne encore dans les oreilles de nombreux spectateurs le timbre de Jean Gabin tonnant de sa voix de stentor en hurmlant à tue-tête le patronyme et l'adresse de l'épicier Jambier, 45 rue Polivot... Jambier JAMBIER...JAMBIER...
Claude Autant-Lara se distingue par une cruauté dans les relations humaines et dépeint souvent la faiblesse humaine dans ce qu'elle a de plus abjecte. Les tableaux qu'il dresse sont donc d'autant plus corrosifs et justes. Dans le registre de la noirceur, Clouzot, Duvivier et même Renoir excellait. Mais Autant-Lara semblait avoir ce venin inscrit dans les gènes, comme dirait le tout nouveau Président de la République française. Son engagement politique de la fin de sa vie remet en perspective son oeuvre. Il a été élu député européen sur la liste du Front National en 1989 (il avait alors 88 ans) et a tenu des propos antisémites incitant à la haine raciale qui lui a valu d'être poursuivi par le garde des Sceaux de l'époque. A partir du moment où le film est sorti, l'oeuvre n'appartient plus au réalisateur et il serait injuste de juger ses films à l'aune de ses déclarations séniles. Il n'empêche que la diatribe de Jean Gabin contre les pauvres (Il lâche un "Salauds de pauvres" dans La Traversée de Paris) et le traitement du Noir dans L'Auberge rouge prennent une résonance particulière...

dimanche 6 mai 2007

Bienvenue en Enfer


Nicolas Sarkozy a été élu Président de la République.

vendredi 4 mai 2007

Spiderman


Premier album de Spiderman sorti en France en 1978. J'avais 5 ans. Je me le suis procuré quelques années plus tard afin de compléter ma collection de comics Marvel qui comprenait entre autres des albums des 4 Fantastiques (Galactus et le Surfer d'argent étaient mes personnages favoris) et des mensuels tels que Spidey, Strange, Titans, Nova, Special Strange origines... Vous ne devinerez jamais ce que j'ai fait de tous ces trésors ? Je les ai vendus... Oui, vous avez bien lu. Je m'en suis séparé. Je vous autorise à me jeter des tomates au visage !!!
Le déferlement des super héros costumés sur les écrans ne me laisse donc pas insensible. L'hallucinante qualité des effets spéciaux de ce commencement de XXIème siècle autorisent des adaptations qui tiennent la route. Stan Lee a certes vendu son âme au diable en approuvant des scénarios aussi débiles que Daredevil, Hulk ou Ghost rider. Même les X-men peinent à trouver grâce à mes yeux. Ne parlons pas des insipides 4 Fantastiques : un Docteur Fatalis (Doctor Doom en VO pour les puristes) , Mister Fantastic aussi charismatique que François Bayrou, La Chose (j'adore ce personnage qui est très touchant par ce mélange de brutalité et de fragilité) est un conglomérat de déjections canines densifiés, Johnny Storm aka La Torche est ridicule en adepte des sports extrêmes (Chris Evans peut pourtant être un bon acteur, comme dans Sunshine. Décidément, il est attiré par ce qui brûle...), mais le comble consiste à donner le rôle de la blonde aux yeux bleus femme invisible à une bimbo latina comme Jessica Alba. En revanche, je suis impatient de découvrir le Surfer d'Argent, qui a l'air simplement ahurissant dans la bande annonce. En plus, il colle une méchante branlée à ce frimeur de Johnny Storm...
De tous les films Marvel qui se sont invités sur les écrans Spiderman est celui qui correspond le plus à l'esprit du comics. Sam Raimi a pris un soin particulier à soigner personnages et scénario en restant fidèle aux BD tout en y ajoutant une certaine modernité qui évite de le ringardiser. Le troisième épisode n'échappe pas à cette règle. Quelques libertés sont prises avec la "vraie" histoire, mais rien de bien méchant. Je suis beaucoup plus choqué lorsqu'un Wolfgang Petersen trahisse un texte essentiel comme L'Iliade dans Troie en accordant un rôle démesuré à Briséis l'esclave captive d'Agamemnon qui provoque le courroux d'Achille qui revendique la possession de la jeune femme alors que Homère ne lui consent à peine que 8 lignes. Même si les comics font partie intégrante de ma culture, j'admets plus facilement que Peter Parker sorte avec Mary Jane Watson avant Gwen Stacy (son apparition dans le troisième épisode ressemble fortement à un clin d'oeil aux fans) qui était son grand amour, que l'Araignée produit naturellement ses toiles alors Peter Parker les fabrique lui-même (ce qui est une source d'intensité dramatique car il lui arrive d'en manquer en plein combat contre le Caïd, le Vautour ou le Lézard) ou que l'oncle de Pete soit tué par Sandman.
Ce rapprochement entre les comics et la mythologie n'est pas fortuit. Les dieux de l'Olympe sont des super héros invincibles et immortels. La mytholgie germanique est d'ailleurs exploitée par Marvel. Thor, Odin et le royaume d'Asgaard figurent en bonne place dans les meilleurs numéros des 4 Fantastiques.
En revanche, les contradictions de Peter Parker et la difficulté d'endosser une panoplie de super héros sont incroyablement bien retranscrits, même si Parker passe pour un loser intégral dans le deuxième épisode dans lequel Sam Raimi a forcé le trait. Ce personnage qui doute alors qu'il possède des pouvoirs démesurés a un immense potentiel d'identification. Dans la vraie vie, des pouvoirs exceptionnels ne mettent pas à l'abri des problèmes de fric (sauf si on se décide à cambrioler des banques), de nanas (sauf si on expose sa bien-aimée à des ennuis que la levée de son identité secrète peut engendrer), de logement et autres...