samedi 28 avril 2007

Gérard Philippe


Je viens enfin de voir hier soir La Beauté du diable, de René Clair (1949), interprétation du mythe de Faust avec Michel Simon et Gérard Philippe. Enfin ! Mon père et mon frère étaient des fans absolus de Gérard Philippe. Du coup, je l'ai pris en grippe par réaction (et ouais, je suis comme ça, moi) et je n'ai vu pratiquement aucun de ses films pendant l'adolescence. Je quittais ostensiblement la salle lorsque la télévision programmait un de ses films afin de me réfugier dans la lecture de comics... Je ne saurais dire pourquoi, mais le courant ne passait pas. Sa tête ne me revenait pas et son jeu ne m'inspirait pas (alors que c'était un des plus grands comédiens de son temps). L'amalgame douteux que je faisais avec son héritier honni, Francis Huster, ne jouait pas en sa faveur. S'il est source d'inspiration d'un si quelconque "artiste," c'est qu'il ne doit pas être si bon que ça... Raisonnement absurde, n'est-ce pas ? J'ai dû attendre La Fièvre monte à El Pao, de Luis Buñuel, que j'ai vu il y a quelques années, pour un semblant de réhabilitation. Son décès prématuré et le mythe qu'il véhiculait autour de lui parvenait à peine à le rendre plus sympathique à mes yeux.
Dans le créneau du film d'aventures français de qualité, je lui préférais largement Jean Marais, pas seulement parce qu'il était l'égérie de Jean Cocteau (La Belle et la bête est un sommet de fantastique romantique), mais aussi car il incarnait un autre personnage au rire particulier : Fantômas. Le Bossu était aussi un de mes favoris parmi ces films populaires.
Je reconnais d'indéniables qualités à La Beauté du diable. Michel Simon y fait une prestation jubilatoire dans le rôle du diable. Le talent de René Clair pour créer des ambiances fantastiques et réalistes est remarquable. Sa période anglo-américaine atteste de son goût pour le surnaturel. C'est arrivé demain, qui raconte l'histoire d'un journaliste qui prend connaissance des événements du lendemain dans le journal de la veille, est un petit bijou. Mais j'aurai sûrement l'occasion d'évoquer à nouveau ce grand réalisateur, puisque je me suis mis dans la tête de découvrir ses films...

vendredi 27 avril 2007

Arithmétique


300, de Zack Snyder, d'après la bande dessinée de Frank Miller, est le film événement de ce printemps. Il raconte l'histoire de la bataille des Thermopyles menée par 300 soldats spartiates contre l'armée perse du roi divin Xerxès. 300 bonshommes surentraînés contre une armée de plusieurs milliers de combattants adeptes de piercing et armés jusqu'aux gencives.
Le compte est-il bon ? A la tête de l'armée de Sparte
se tenait le roi Leonidas, fier et noble (ou l'inverse, je ne sais plus). Le comédien qui l'incarne, Gerald Butler, a dû prévoir une clause dans son contrat prévoyant le remboursement des frais d'oto-rhino et une provision conséquente de Mentos, tant il passe son temps à vociférer et haranguer ses troupes. L'extinction de voix l'a sûrement handicapé à la fin du tournage. C'est intestablement le film le plus postillonnant de l'histoire du cinéma. Pour en revenir à Leonidas, il serait si mes calculs sont exacts le 301ème soldat, à moins que les officiers ne comptent pas. Bien sûr, il n'était pas décemment possible d'intituler le film 301 sous peine qu'on le confonde avec une pub des jeans Levis ou le dernier modèle de chez Peugeot. En outre, le film emprunte l'esthétique du jeu vidéo, pas de la publicité...
300, c'est aussi le nombre de plans truqués du film, à moins que ce ne soit le double. De toute façon, tous les plans du films ont fait l'objet de retouches numériques plus ou moins importantes, ne serait-ce qu'à l'étalonnage. D'où cette absence d'émotion qui ressort du film. Le réalisateur nous donne le minimum syndical en puisant dans les habituels clichés destinés à apporter du liant à l'histoire. Les scènes politiques constituent une sorte de respiration entre chaque niveau du shoot them all qui tient lieu de bataille. Après tout, le film est adapté d'une bande dessinée, pas d'un livre d'histoire. Dans la surenchère des vilains proposés par l'armée perse figurent des géants, des monstres, des immortels... Il y avait même un rhinocéros survitaminé et des éléphants gigantesques. Il ne manquait plus que la Chose, Hulk et les Vengeurs.
En bref, on trouve son compte visuellement, mais c'est tout...

mardi 24 avril 2007

Debra Paget


C'est mon chouchou...

La dernière chasse


Bon, ça fait quelques temps que je ne parle plus cinoche... Du coup, avant de changer le monde (du moins sa partie la plus hexagonale), il est temps de se détendre et de s'alimenter d'un bon vieux film Richard Brooks. J'ai donc vu La Dernière chasse avec Stewart Granger et Robert Taylor. Quel casting ! C'est comme si on réunissait dans le même film, Tom Cruise et Brad Pitt. Ah bon, on l'a déjà fait ? Ah oui, j'oubliais qu'ils ont déjà joué ensemble dans Entretien avec un vampire de Neil Jordan en 1994... Enfin bref, c'était quand même un choc des titans à l'époque de confronter Ivanohé et Scaramouche, les deux icônes du film d'aventures, dans un film méconnu. C'est un western qui n'est pas seulement un divertissement (même si on passe du bon temps), puisqu'il met en exergue le massacre des bisons et le mauvais traitement infligé aux Indiens. A ce titre, il est moderne dans la mesure où il annonce la fin d'une époque et met en scène les conquérants de l'Ouest sous leur mauvais jour... Sergio Leone et Sam Peckinpah vont bientôt sublimer le western en lui donnant une tonalité crépusculaire. Mais Richard Brooks, Delmer Daves, Robert Aldrich ou Anthony Mann ont déjà contribué à remettre en cause la ligne officielle du héros traditionnel et de la conquête des grands espaces.
Quand j'étais gamin, j'adorais les films avec ces deux acteurs dont je ne connaissais pas le nom. Robert Taylor portait le collant vert moulant avec beaucoup d'aisance. Dans Ivanhoé, il donne la réplique à Elizabeth Taylor. Je pensais qu'ils étaient frère et soeur... Quant à Stewart Granger, il représentait l'aventurier par excellence, magnifié par Les Contrebandiers de Moonfleet de Fritz Lang et Scaramouche de George Sidney. Ils ont tous deux évolué sous la direction de Richard Thorpe (ils ont même partagé l'affiche de La Perle noire en 1953), LE réalisateur de films d'aventures devant l'Eternel. En plus, ils ont serré dans leurs bras des actrices à tomber par terre comme Debra Paget, Jean Peters, Lana Turner, Janet Leigh ou Eleanor Parker.
Moi, je ne me lasse pas de ces films et je pense que j'aurai encore l'occasion de leur rendre hommage dans ces colonnes prochainement.

lundi 23 avril 2007

La politique du (moins) pire

Un barrage à Sarkozy doit être érigé. Ses idées d'ultra-libéralisme atlantiste et antisocial doivent être combattues avec la plus grande force, tout comme son ambition démesurée. Le candidat des patrons risque de mener la France vers une politique d'exclusion.
Le monde de la culture a souvent tendance à voter pour la gauche. Les grands travaux ont
plus été l'apanage de François Mitterrand que de Jacques Chirac. Si on parle d'un ministre de la Culture emblématique, on évoque plus Jack Lang que Jean-Jacques Aillagon ou Renaud Donnedieu de Vabres (en plus, ils ont des noms imprononçables). Quant au statut des intermittents, il a été remis en cause par la droite. Sarko veut le supprimer, ainsi que tous les minimas sociaux.
Ségolène Royal représente un espoir. A condition que la pression autour d'elle ne soit pas relâchée. On a besoin de plus de solidarité sans pour autant oublier les dérives de la gauche caviar mitterrandienne qui a creusé le déficit. Ses idées doivent être mieux appliquées en favorisant un retour à l'emploi plutôt que l'assistanat par la multiplication des aides sociales. Une politique à visage humain et proche des gens est plus importante qu'une politique répressive et culpabilisante, source de divisions.
Oui à Ségolène, mais on doit être derrière elle pour faire pression sur elle. L'engagement ne signifie pas qu'elle aura un chèque en blanc. La démocratie participative consiste aussi à ce que ses partisans lui disent si elle fait fausse route. Le Ministre de l'Intérieur n'admettra aucune critique et son aveuglement nous mènera à notre perte.
Que la culture vive et soit forte !

dimanche 22 avril 2007

La France présidente

Sus à Sarko !!! Faisons barrage à ses idées !!! Le rempart pour les intermittents vient des Deux-Sèvres...

vendredi 20 avril 2007

Un certain regard

L'affiche est très excitante...





Festival de Cannes


Il y a des films pour les salles et des films pour les festivals, constatait Pascal Mérigeau dans son ouvrage Autopsie d'un meurtre que j'ai déjà cité dans ces colonnes. La sélection du festival de Cannes, qui fête son 60ème anniversaire (encore 5 ans et c'est la retraite), veut faire démentir cette affirmation en procédant à un renouvellement des générations. Les valeurs sûres sont toujours présentes comme les frères Coen, Wong Kar-wai (ouverture), Gus Van Sant, Quentin Tarantino, Michael Moore (hors compétition), Emir Kusturica ou Alexander Sokourov. A leur côté des nouveaux venus comme Carlos Reygadas, Christophe Honoré, David Fincher (il n'a jamais présenté de films à Cannes), Raphaël Nadjari.
Je cite des metteurs en scène plutôt que des films. Je ne sais pas pourquoi. Si, je sais, ça doit être Cannes qui veut ça. On va voir le Tarantino, pas Death proof. En plus, c'est plus pratique de prononcer le nom du réalisateur que le titre en allemand du film Fatih Akin.
En tout cas, les observateurs trouvent cette sélection prometteuse... Moi, je suis un sceptique (au sens philosophique du terme). Je demande à voir (avec gourmandise).

PS : à quand la prochaine Palme française ? Maurice Pialat attend son successeur depuis 20 ans : "Si vous ne m'aimez pas, je peux vous dire que je ne vous aime pas non plus."

Préhistoire

En ce moment, j'ai envie de revoir les films de Méliès et Lumière, de m'immerger vers les premiers temps du cinéma, vers les pionniers. Si j'étais de mauvaise foi (ce que je me défend d'être), j'affirmerais que le seul moyen de voir un bon film français est de remonter à la fin du XIXème siècle ou au début du XXème. Je refuse cependant d'emprunter cette voie-là...
Mais ces vues ont quelque chose de jubilatoire et de rafraîchissant. C'est du cinéma détaché de toute considération commerciale. On voit juste un train arrivé dans une gare du sud de la France. J'arrive presque à trouver cette apparition aussi fantastique que les tours de magie de Méliès, même en faisant abstraction du contexte. Une émotion se fait en effet sentir en regardant ces cadres se remplir, cette vie prendre possession de la toile tendue dans l'arrière-salle d'un hôtel parisien, ces événements anodins prendre une dimension exceptionnelle par le simple fait d'être partagés par des spectateurs par delà le temps et l'espace. La magie du cinéma opère autant chez les Lumière que chez Méliès l'enchanteur. Elle était déjà là aux débuts. Qu'elle soit préservée !

Raison et sentiments

Jusqu'à présent, j'occupais surtout la position d'un observateur attentif des métiers du cinéma. J'évoluais dans sa proche périphérie. Travailler dans la formation continue audiovisuelle et dans l'animation d'ateliers d'accompagnement à l'emploi pour techniciens donne une vision globale des métiers de la production et une connaissance des différents acteurs professionnels, institutionnels et politiques. Mais, il faut se confronter aux réalités de la production pour s'en rendre compte, résoudre de nombreuses équations, faire de la gestion humaine, faire preuve de diplomatie, justifier ce que l'on donne à l'un et ce que l'on refuse à l'autre, etc. De plus en plus, la communication est essentielle.
Ce travail de dosage entre passion et profession m'est apparu particulièrement criant récemment. Une équipe se doit d'être soudée derrière un projet auquel chacun croit avec force, derrière un(e) réalisateur(trice) rassembleur(se) autant par son talent que l'énergie qu'il(elle) insuffle à sa troupe (au sens noble du terme). Cette somme d'individualités et de compétences constitue un collectif dans lequel la défaillance de l'un rejaillit sur l'ensemble du groupe. La passion et l'envie sont primordiales, mais dans un cadre professionnel. Avoir l'humilité de se fondre dans une équipe et d'accepter que ses compétences vont valoriser celles de son voisin dans le seul et unique but d'améliorer le film est une grande qualité. Lorsqu'un élément vient perturber cette mécanique fragile, faut-il
pour autant le laisser sur le bord de la route ou lui donner une seconde chance ? Faut-il attendre que la situation soit irréversible ou bien anticiper une situation conflictuelle qui n'arrivera peut-être pas, mais qui est latente ? En tout cas, seul l'intérêt du film doit être pris en considération.
Faire du cinéma est un métier à part entière qui réclame une vocation, mais aussi une formation, une culture, des compétences, une expérience. Un film composé uniquement de professionnels sans implication émotionnelle a de fortes chances de se révéler hermétique, à moins de faire du film d'entreprise ou à visée pédagogique. La réciproque est vraie : un film reposant sur trop de registres émotionnels, que ce soit dans sa conception ou dans son aboutissement, risque de virer vers le conceptuel. Un équilibre est constamment à trouver, sachant qu'équilibre ne veut pas dire 50-50.

Bon, je vais me replonger dans la lecture de Sun Tzu et Machiavel pour essayer de trouver une solution à ces questions.

mercredi 18 avril 2007

I need to wake up

Oh I need to move
I need to wake up
I need to change
I need to shake up
I need to speak out
Something’s got to break up
I’ve been asleep
And I need to wake up
Now

mardi 17 avril 2007

Football

Y a un truc qui m'a marqué cette semaine, c'est le record du plus faible total de buts inscrits lors d'une journée du championnat de France de football : 8 buts en 10 rencontres. Canal + a acquis l'exclusivité des droits de la Ligue 1 pour la période 2005-2008 pour un montant de 1,8 milliard d'euros, soit 600 millions la saison, soit 150 000 euros le match. 150 000 euros pour un 0-0 entre Troyes et Nancy, ça fait un peu cher, non ? On pourrait presque tourner un long métrage à ce tarif-là.
Canal + était le principal financier du cinéma qu'il soutenait allègrement, parfois sans discernement, mais avec une passion indéniable. Tout le monde en croquait (pour employer une expression de l'immense Jean Yanne.) Le cinéma faisait partie de l'identité de la chaîne cryptée, au même titre que le foot. Si on peut mettre 600 000 000 d'euros (c'est plus impressionnant de mentionner la somme en chiffres) pour un spectacle aussi insipide, on peut en mettre un misérable petit million pour un film de qualité. La somme versée donne l'impression que le produit est bon, alors que le spectacle est soporifique et ennuyeux à souhait.
La comparaison entre l'évolution du foot et du cinéma est intéressante à plus d'un titre. Il s'agit de deux spectacles populaires qui ont progressivement vendu leur âme à la télévision. Pour suivre un match, il est plutôt recommandé de lire Les Echos que L'Equipe, car il est plus question de salaires des stars, de cotation des clubs en bourse et de commissions prises par les agents lors des transferts que de tacles glissés, de reprises de volée ou d'arrêts du gardien. Les joueurs de foot ont envahi les pages people des magazines, au même titre que les stars de cinéma (tiens, tiens !!!). Le foot spectacle est devenu un business qui brasse énormément d'argent.
De l'autre côté de la Manche, trois clubs anglais vont participer aux demi-finales de la Ligue des Champions. Hollywood a trouvé son pendant footballistique du côté de Londres. L'afflux massif d'investisseurs étrangers a contribué à rendre le championnat attractif. D'autre part, le respect des traditions et la fidélité à certaines valeurs ancestrales n'ont pas été (complètement) dévoyés par l'argent.
Si on regarde cette situation par le bout de la lorgnette française, on pourrait leur dire que leur cinéma est inexistant et qu'ils représentent le 51ème état d'Amérique, tant Hollywood a fait main basse sur les écrans british. Ken Loach a pourtant reçu la palme d'Or en 2006 et The Queen de Stephen Frears a rencontré un franc succès. Ce sont certes des vieux de la vieille et le renouvellement des générations n'est pas forcément une réalité. Working Title est une société de production novatrice, même si elle collabore essentiellement avec les Etats Unis. D'ailleurs, les Américains surnomment l'Océan Atlantique the pond (la mare). Néanmoins, les Britanniques ont su trouver de nouvelles sources
de financement pour sauver un cinéma moribond au début des 90ies en mettant à contribution la loterie nationale. Et le sentiment prédomine que quelque chose frissonne de ce côté-ci de la Manche.
Je ne dis pas qu'il s'agisse d'un exemple à suivre. Mais des mesures peuvent être prises pour favoriser la créativité en s'ouvrant vers des moyens de financement complémentaires de ceux de l'institution et des télévisions qui favorisent le formatage.
La spécificité française ne doit pas être la frilosité, l'attentisme et le contre. En regardant un match de foot français, j'ai le sentiment de voir un film français : le scénario est écrit à l'avance, on devine l'intrigue au bout de 5 minutes, on reste devant l'écran dans l'espoir qu'un éclair vienne donner son sens au "spectacle" proposé, mais on est immanquablement déçu. L'audace, l'ambition et la prise de risque (autant en matière de financement que de créativité) doivent être mises en valeur pour permettre au cinéma français de rayonner à nouveau. Quant au foot français (à part l'équipe de France qui est composé essentiellement de joueurs des championnats anglais, espagnols et italiens), j'ai définitivement perdu tout espoir de le voir briller à l'échelon continental.
La meilleure défense, c'est l'attaque...

dimanche 15 avril 2007

Cahiers du cinéma

La vénérable revue Les Cahiers du cinéma qui fait autorité dans le milieu a consacré dans son numéro d'avril un dossier dédié aux élections présidentielles qui ont lieu en France, ce pays où Les Cahiers du cinéma était un magazine de cinéma et non une institution de référence. Lorsque je tiens un numéro entre les mains (quand il ne me tombe pas des bras), j'ai à la fois l'impression de lire l'organe officiel du CNC et une revue élitiste.
Cela dit, l'idée de proposer des solutions pour sortir le cinéma de l'ornière est excellente. En résumé, les douze propositions de la rédaction :

1 - Revaloriser le sélectif au détriment de l’automatique.
Ce sont toujours les mêmes qui ont les subventions grâce à la prime au sortant. On ne prête qu'aux riches, selon un adage populaire. Les scénarios doivent être jugés pour leur qualité artistique, et non sur une quelconque faisabilité (quel mot horrible !), afin de ne pas brider l'imaginaire des auteurs. Pourquoi faire des efforts lorsqu'on est sûrs d'avoir une aide ?

2 - Combattre le formatage des projets par les procédures de soutien.
Enfin, une grande revue de cinéma (?) parle de formatage de la production française. J'emploierai un terme proche : conformisme. On voit la même chose sur les écrans à quelques nuances près. La standardisation des films apparenterait le cinéma à un produit de consommation courante.
J'aime beaucoup cette expression de Pasolini qui qualifiait les personnes médiocres qui se contentaient de peu et aliénés par une société de consommation naissante et opressante dans une Italie revitalisée par les effets du plan Marshall, les qualunquisti (quelconques). Il faut donc combattre le qualunquisme du cinéma français.

3 - Redéfinir l’articulation entre l’action du CNC et celle des Régions.
Les Régions (du moins certaines d'entre elles) sont devenues une source de financement appréciable et incontournable. Leur sélection n'est pas encore standardisée, car il y a moins de juges et parties parmi le jury qu'au CNC. Les Cahiers prônent la définition de contrats d'objectifs qui ne soient pas une substitution de ceux du CNC. L'intérêt des Régions est d'attirer les tournages afin de favoriser le tissu économique local et que les retombées en termes d'image soient forts. Pour atteindre ces objectifs, la qualité doit être mise en valeur au détriment du conformisme ambiant.
Autre chose : il faut que la Région Ile de France file plus de blé pour les courts métrages. Je prêche un peu pour ma paroisse, mais l'économie est trop précaire pour des retombées en termes d'image qui sont pourtant nombreuses (festivals, notoriété, détection des jeunes talents, soutiens à des projets novateurs, j'en passe et des meilleurs...)

4 - Projection numérique : appliquer les propositions du rapport Goudineau.
Pas de commentaire là-dessus. Je n'ai pas lu le rapport Goudineau (c'est qui au fait ce mec ?)
J'espère juste que ça va pas donner lieu à la création de nouvelles institutions, de groupes de travail, de task force, de think tank et de commissions stériles destinées à noyer le poisson. De l'action, que diantre !!!


5 - Limiter le nombre de copies par film.
C'est une bonne idée. Le blitz de certains films commerciaux sur un milliard de salles donne l'impression au spectateur que le film est bon car il sort en masse. En plus, tout le monde en parle tout le temps dans tous les médias. Les films moins faciles d'accès sont réduits aux miettes.

6 - Réformer la définition de l’Art et essai.
Label galvaudé comme celui de "film d'auteur" à force d'être accordé à tort et à travers. Conséquence : les vrais films Art essai en pâtissent. Autre crainte : la ghettoïsation des films dits d'auteurs. Un effort doit donc être fait pour améliorer les conditions de projection des films dans les salles indépendantes afin que le public puisse l'apprécier à sa juste valeur, le tout sans les transformer en succursales de la confiserie du coin.

7 - Donner toute sa place au rôle du cinéma dans l’aménagement du territoire.
Cette proposition sonne vraiment politique politicienne... Mais il est vrai que tout le monde doit avoir accès aux salles de cinéma, lieu de mixité sociale par excellence. Construire des salles hors des centres commerciaux peut également être une idée intéressante. Le film est un produit en soi (qu'est-ce que je déteste parler comme ça !!!), et non un produit d'appel pour d'autres produits, comme de la bouffe, des fringues ou des appareils électroménagers.

8 - Dynamiser la politique patrimoniale.
Qu'est-ce que c'est bien dit... Franchement, je n'aurais pas trouvé mieux. "Dy-na-mi-ser la po-li-tique pa-tri-mo-niale..." C'est ronflant, mais c'est essentiel. Tout comme il est important de connaître ses racines pour se forger une identité propre, il est primordial de transmettre l'histoire du cinéma. Il faut retirer des étagères poussiéreuses les films anciens et les proposer aux nouvelles générations. On peut jouer à la Playstation 3 (ou à la Wii) et aimer Lubitsch. Le travail de la Cinémathèque de Toutankhamon est remarquable, mais tous les supports diffusions doivent être privilégiés pour assurer une bonne exposition au cinéma. Et surtout les films classiques sont meilleurs lorsqu'ils sont vus dans le lieu pour lequel ils ont été conçus : les salles de cinéma.

9 - Développer les formes de présence du cinéma à l’école.
Je vais citer l'intégralité du commentaire du mec des Cahiers, car c'est grandiose. Moi, si on m'avait parlé de cinoche comme ça à 12 ans, je me serais barré en courant.
La rencontre avec les grands films comme partie prenante d’une culture, la compréhension théorique et pratique des processus de mise en scène comme formation de l’esprit critique, la découverte de l’expérience de la salle comme rapport aux oeuvres et au collectif doivent, bien davantage qu’ils ne le sont aujourd’hui, faire partie de l’enseignement primaire et secondaire.
Cela exige des formateurs spécialisés, et reconnus comme tels, pour les enseignants, et un grand nombre d’améliorations des dispositifs existants. Si l’action du CNC et celle du ministère de l’Éducation nationale sont indispensables, il faut, pour l’enseignement artistique à l’école dont fait partie le cinéma, une exigence et un soutien politique relayés au plus haut niveau - premier ministre ou président de la République.
Cela dit, il faut certes développer la sensibilité des écoliers au cinéma, mais sans leur faire trop tôt des cours d'études de textes théoriques. Le cinéma est un outil incomparable de compréhension de ses émotions et de son rapport au monde. En outre, cette élévation culturelle tirerait vers le haut de façon ludique les jeunes tout en leur faisant prendre conscience de la diversité des modes d'expression cinématographiques (putain, c'est contagieux Les Cahiers... Je me mets à m'exprimer comme un premier de la classe.) Le cinéma, ce n'est pas seulement Bruce Willis et Jennifer Lopez, c'est aussi Ava Gardner et Massimo Girotti, Le Trésor de la sierra madre et Le Septième sceau.

10 - Valoriser les pratiques amateur.
Un bémol : ceux qui font du cinéma amateur via leur téléphone portable ou leur camescopes ne seront jamais des cinéastes. Certes, ils peuvent construire une relation intime avec le cinéma, mais ne peuvent se substituer à des réalisateurs qui s'inscrivent dans une démarche artistique et professionnelle au long cours. En outre, les amateurs, aussi louables sont leurs intentions, viennent inonder un marché saturé, dans lequel les professionnels ont déjà énormément de mal à travailler. Ce n'est pas leur rendre service que de leur faire miroiter des talents de cinéastes ou de techniciens, comme le font certains centres de formation diplômants qui pullulent depuis quelques temps en surfant sur cette vague de la démocratisation des moyens de fabrication des films. Je peux aprendre par coeur le manuel de Final cut pro et le réciter comme une fable de La Fontaine, ça ne fera pas de moi un monteur professionnel si je ne maîtrise pas les notions de rythme, d'agencement entre les plans, de narration... surtout si je n'ai pas étudié les films des vieux maîtres.
Il faut donc valoriser les pratiques professionnelles au même titre pour ne pas qu'il y ait de confusion des genres. De même, il est nécessaire de canaliser les nouveaux entrants sur le maché afin que les dérives constatées au niveau des stages conventionnés qui prennent la place de véritables emplois soient contenues. Un employeur peut toujours dire que si quelqu'un refuse de travailler à moindre tarif, la queue des candidats à la gloire est longue.

11 - Renforcer toutes les formes d’accompagnement du cinéma.
La télévision de service public a un rôle décisif à jouer, et qu’elle ne joue plus, ni par sa programmation de films, ni par la production d’émissions de cinéma dignes de ce nom.
Cette analyse est très juste. Je discutais récemment avec Jean-Marie Rodon (que je salue pour son amour inconditionnel du cinéma) des cinémas Action qui me disait qu'il y avait plus de spectateurs dans ses salles à l'époque de La dernière séance. Loin de concurrencer les films anciens, la télévision leur permettait d'avoir une exposition qui donnait envie de prolonger ce plaisir vers les salles. D'autre part, les émissions sur le cinéma donnent l'impression qu'elles répondent plus à des impératifs de cahier des charges à remplir que d'une réelle volonté de promouvoir le cinéma dans sa diversité. Quant au DVD, il s'agit avant tout d'un produit de consommation : le packaging est privilégié, les éditions collector servent avant tout à créer un événement plutôt que de sensibiliser à des questions relatives aux films. Saluons plutôt le boulot éditorial de Wild side ou Carlotta qui remettent en perspective les oeuvres par rapport à leur contexte
artistique, critique et socio-politique.

12 - Penser une politique de dialogue entre le cinéma et les autres arts.
Ah bon, le cinéma, c'est un art ! Je suis mauvaise langue... Si synergie il y a, elle profitera à tous, à partir du moment où il n'y a pas de marginalisation. Des expos croisés sur le cinéma oui, mais les films anciens doivent aussi sortir des musées pour entre dans les salles. Le risque que deux sortes de films existent - ceux pour les salles et ceux pour les musées - se concrétisent de plus en plus.

samedi 14 avril 2007

Les tueurs de la lune de miel


L'équivalent de Night of the living dead pour le film noir...
Le jeune Martin Scorsese a commencé les prises de vues avant de se faire débarquer au bout d'une semaine de ce film noir qui suit de manière documentaire un couple d'amants criminels passionnés (une infirmière émotive en surcharge pondérale et un escroc séducteur d'origine espagnole) dans leurs virées à travers les Etats Unis pour détrousser et assassiner des femmes seules rencontrées via le courrier du coeur d'un journal.
Violence, jalousie exacerbée, tourments psychologiques, solitude, meurtre d'une personne âgée, d'un enfant et d'une femme enceinte : le film a tout d'
un choc, autant visuel que thématique. Les personnages sont moches, les victimes ont autant de défauts que les criminels. Pas une once de glamour. En gros, un des films les plus immoraux que j'ai jamais vus.
La mise en scène de cet unique film de Leonard Kastle est également anticonventionnelle. Cadrages étranges, profondeur de champ marquée, utilisation de la musique de Gustav Mahler contribuent à créer une ambiance quasi-fantastique, mais réaliste en même temps, à l'opposé des canons hollywoodiens de l'époque.
Un OVNI que je recommande vivement car il ne laisse pas indifférent.

Fight the power

Etrange comme les chansons que l'on écoute en disent long sur l'état d'esprit du moment... J'ai Fight the power de Public Enemy dans la tête depuis deux-trois jours. Sans doute la période électorale m'inspire-t-elle des pulsions de révolte...
Power to the people, no delay !!!

PS : Do the right thing. C'est un beau programme, n'est-ce pas ?
PPS : Doing the right thing moves us forward disait fort justement Al Gore dans An unconvenient truth (je reste sur les titres originaux sur ce post)

vendredi 13 avril 2007

Identité nationale

En cette période électorale, la question de l'identité nationale a été placée au coeur de l'actualité par un candidat aux idées aussi courtes que la taille (on a dit qu'on attaquait pas sur le physique) soucieux de chasser sur les terres d'un infâme borgne nauséabond (pour lui, tous les coups sont permis) Pure démagogie déployée pour culpabiliser le citoyen et inspirer la suspicion ! On peut aimer ce pays (ce qui est mon cas) et en critiquer ses dérives (ce qui est aussi mon cas).
Si je devais transposer cette question sur le paysage cinématographique français, je me livrerais à des entorses régulières à l'identité nationale en me prenant régulièrement dans ces colonnes au cinéma national. En temps de guerre, je serais accusé de saper le moral de mes valeureux compatriotes. Au moins, on ne peut pas me reprocher de tirer sur une ambulance si on considère les voyants verts de la fréquentation et du nombre de films produits. Mais la qualité et l'exigence ont disparu des écrans nationaux. Les films commerciaux à la promotion agressive parviennent sans mal à écraser la concurrence. Les films "d'auteur" sont mal financés et sacrifiés dans des sorties confidentielles. On a le choix entre une mauvaise comédie, une médiocre étude de moeurs et le film d'un cinéaste confirmé qui trouve toujours des financements sur son nom (Rivette, Resnais ou Chabrol font d'ailleurs encore de bons films).
Depuis qu'on s'est mis à taper sur les intermittents, les films sont de plus en plus mal financés. Le dommage collatéral le plus flagrant de cette précarité des artisans et artistes du 7ème Art est une production à outrance et à vide (joli paradoxe). Il faut faire des heures, donc enchaîner des films, donc produire beaucoup (et mal), donc bâcler. Cercle vicieux !
Mauvaise stratégie commerciale, car ces films ne sont pas vus. Mais plus de films sont produits, plus de charges sont payées et de dépenses effectuées... L'arbre des films commerciaux cache la forêt amazonienne de la multitude d'oeuvres sous-financés et qui n'auraient jamais vu le jour (du moins pas de cette manière) si la nécessité de produire en masse n'était pas si pressante.
Et dire qu'on a l'image de l'intermittent fainéant, alors qu'il enchaîne les tournages pour un salaire en dessous du tarif syndical, financement light oblige.
Le cinéma français peut redevenir stimulant si d'autres systèmes de financement indépendants des télévisions (qui noyautent les principales instances cinématographiques) sont trouvés... Les cinéastes et producteurs méritent d'être soutenus. Le combat vaut la peine d'être mené.

jeudi 12 avril 2007

O sole mio...


Il me semble que la misère serait moins pénible au soleil.
Charles Aznavour a bien raison. Le soleil permet de supporter bien des contrariétés. L'astre du jour exerce depuis toujours une grande fascination sur nos semblables. Mais peu de films mettent le soleil au centre de leurs préoccupations. Sunshine, de Danny Boyle, dont j'avais déjà apprécié 28 jours plus tard, répare cette injustice. Le cinéaste originaire de Manchester (ville qui n'est pas réputée pour son taux d'ensoleillement élevé. Brrrrr !!!) se situe dans la veine philosophique de 2001: l'Odyssée de l'espace (voyage extatique à travers l'immensité de l'espace sur fond de quête prométhéenne) au début et du film d'action à la Alien (un corps étranger vient compromettre la mission en se prenant à l'équipage, lui-même divisé par la méthode à employer pour accomplir la mission) à la fin. Un groupe multiethnique de sept membres ont pour mission de réanimer un soleil mourant grâce à une forte charge nucléaire en plein coeur. Mais le héros incontestable de ce film aux effets spéciaux impeccables est le soleil lui-même. On se croirait embarqués à l'intérieur de la sonde SOHO. Le spectateur s'approche au plus-près de sa surface, sans se brûler en plus. On aurait envie d'accompagner l'équipage à bord de l'Icarus II pour le réanimer avec cette bombe de la taille de Manhattan, à défaut de pouvoir lui prodiguer des massages cardiaques ou un bouche-à-bouche énergique pour qu'il puisse reprendre son activité. On a plus envie de le sauver pour sa majesté que parce qu'il est indispensable à la survie humaine.
Au début du film, un psychologue, membre de l'équipage, teste ses limites en essayant de voir jusqu'à quel niveau il peut fixer le soleil sans se cramer la rétine. Lorsque je suis allé à Rhodes (je conseille vivement de visiter cette île du Dodécanèse), je suis rentré complètement rouge comme un écrevisse car j'ai passé une semaine torse nu et en bermuda sous un soleil de plomb sans crème solaire pour filtrer les UV pour la stupide raison que j'ai la peau mate. Résultats des courses : brûlures au troisième degré et impossibilité de poser mon séant pendant plusieurs jours. Mais bon, je ne vais pas vous raconter mes vacances au soleil... Juste une anecdote comme ça en passant...
Bon, je vous laisse, je vais m'installer à la terrasse d'un café pour siroter un coca sous le soleil.

mercredi 11 avril 2007

To pay or not to pay

J'ai retrouvé la trace du dernier film français que j'ai vu au cinéma en payant ma place sans être invité ou quoi que ce soit. Il s'agit de 5X2 de François Ozon en septembre 2004. J'ai trouvé ce film inintéressant au possible avec cette narration à rebours répétitive ponctuée à chaque segment de morceaux de Paolo Conte. Un truc à sauver : la prestation de Valeria Bruni-Tedeschi.

Maintenant que j'y pense, est-ce que ça compte Caché de Michael Haneke, sachant qu'acteurs et cofinancement sont français (un salut amical au 1er assistant-réalisateur Alain Olivieri, une crème et un assistant du feu de Dieu), que le réalisateur est autrichien (dont l'univers et les thèmes sont transposés dans un contexte français, mais qui préexistait à sa venue en France) et dont j'ai été invité par une amie qui bossait au Gaumont ?

PS : C'est peut-être un détail, mais j'attache de l'importance au fait de payer sa place pour aller au cinéma (ce qui correspond à un choix) et celui d'entrer gratos, ou même avec une carte illimitée... L'approche du film est différente à mon goût, car l'acte de dépenser de l'argent et de choisir de se déplacer dans une salle de cinéma conditionne le spectateur qui se trouve alors dans une démarche de désir. D'ailleurs, les films que j'ai vus en "exonéré" (c'est le terme utilisé par les hôtesses de caisse pour qualifier les invitations) au Gaumont ne sont pas forcément des films que j'aurai vu si j'avais dû payer ma place (The Holiday, de Nancy Meyers, Déjà vu, de Tony Scott, Rocky Balboa, de Sylvester Stallone, Dreamgirls, de Bill Condon, Le Dernier roi d'Ecosse, de Kevin Mac Donald) Je ne crache pas sur ses films, j'ai d'ailleurs passé un bon moment à chaque fois... mais je suis plus indulgent car je n'ai pas payé ma place et je n'étais donc pas dans un processus de désir.
Fin de la parenthèse.

lundi 9 avril 2007

Dialogue

Un ami m'a dit samedi dernier au cours d'un dîner :
- Tu n'as pas l'air d'apprécier le cinéma français.
- Je ne demande qu'à l'aimer. J'aimerais beaucoup être ému par un film français, mais aucun ne parvient à m'émouvoir...

Triste constat...


dimanche 8 avril 2007

Anatomy of a murder


Panties, mot à ne pas pronocer dans l'Amérique de 1959. Otto Preminger a subi les foudres de la censure en mettant plusieurs fois la culotte dans la bouche de ses personnages dans Autopsie d'un meurtre, film qui inspire le titre de l'ouvrage de Pascal Mérigeau...
Comme quoi, la culotte, il faut la porter, mais pas l'évoquer. Et encore, si la culotte n'existait pas, on n'en porterait pas. Donc, les parties intimes des personnages seraient honteusement exhibés au vu et au su de tous... ce qui ne manquerait pas de faire bondir les Ligues de décence, garante des bonnes moeurs et de la vertu...
Blague à part, Autopsie d'un meurtre est le prototype du film à procès (j'aime beaucoup aussi Témoin à charge réalisé en 1957 par Billy Wilder avec Marlene Dietrich, Tyrone Power et Charles Laughton, et Douze hommes en colère de Sidney Lumet avec Henry Fonda) dans lequel James Stewart incarne un avocat sur le retour qui défend une jeune femme victime d'une agression sexuelle (celle qui portait la culotte objet de la controverse). Les cinéastes américains ont souvent posé leurs caméras dans les tribunaux afin d'exalter les grands figures de la plus grande démocratie du monde (Henry Fonda est un immense Abraham Lincoln dans Young mister Lincoln de John Ford), mais le bon Otto est plutôt intéressé par les luttes d'influence, les conflits d'intérêts, l'abus de pouvoir et la corruption latente, d'autant plus qu'il traite le thème d'une agression à caractère sexuel (je parle comme un magistrat maintenant, il faut que j'arrête de regarder Perry Mason).
Dans Tempête à Washington (Advise and consent, 1962), Preminger s'attarde sur les coulisses du pouvoir suprême des Etats Unis. Henry Fonda interprète le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, récemment nommé par le Président, qui fera l'objet d'attaques acharnées par ses ennemis avant le passage en commission d'enquête chargée d'entériner ce choix.
On est loin de l'idéalisme de Frank Capra et John Ford, dont Otto emprunte les acteurs fétiches, James Stewart et Henry Fonda, dans des rôles à contre-courant de ceux qu'ils interprétaient dans l'Amérique du New Deal des années 30. Les temps changent... L'Amérique s'apprête à connaître une décennie de plomb avec l'entrée en guerre contre le Viet Nam, le combat pour les droits civiques des Noirs, les assassinats de JFK, RFK, MLK (Martin Luther King), MX (Malcolm X) Le cinéma de Preminger annonce donc en filigrane cette perte d'innocence de l'Amérique... et un cinéma politique et engagé va surgir sur les écrans sous l'impulsion de réalisateurs venant de la télévision (Sidney Lumet, Alan J. Pakula, etc...) qui arriveront à maturité dans les années 70.

samedi 7 avril 2007

Autopsie d'un meurtre



Je viens de finir de lire le passionnant ouvrage de Pascal Mérigeau, Cinéma : Autopsie d'un meurtre (Flammarion, 2007). Je suis content de constater que je ne suis pas le seul pisse-vinaigre de la place de Paris, même si cette opinion d'une bonne santé trompeuse du cinéma français est plus répandue qu'on ne le croit. Il démonte avec exactitude et lucidité les ressorts de la situation actuelle du cinéma français qui a été formaté par la télévision, son principal bâilleur de fonds. Il porte un jugement sans concession sur la production française sans avoir peur de dire que la plupart des films qui sortent sur les écrans sont mauvais (je partage complètement son point de vue). Le cinéma est devenu un métier avant d'être une passion, une manière de se mettre en valeur plutôt que de mobiliser des énergies autour d'un projet, d'une histoire, d'un point de vue. La médiocrité est de mise et rien ne doit dépasser des frontières du connu, déjà-vu, prémâché. Esprit critique, où es-tu ? Le film est devenu un produit de consommation courante fabriqué pour satisfaire les besoins de la télévision pour des téléspectateurs qui veulent rester en terrain (re)connu, d'où la profusion d'animateurs télé, de comiques et d'acteurs de sitcoms devant et derrière la caméra.
Le cinéma français est à l'image de la société. Moins de 10 % des films français distribués dans l'année font 90 % des recettes, alors que le reste vivote et se contente des miettes. L'écart entre les riches et les pauvres se creuse constamment et la classe moyenne n'existe plus. On ne prête qu'aux riches et l'argent reste dans le circuit.
J'admire beaucoup Pascal Mérigeau pour deux raisons : un papier sur Marlon Brando dans le Première de septembre 1990 et son livre consacré à Joseph L. Mankiewicz (un de mes réalisateurs préférés.) Dire que je lis régulièrement ses articles dans Le Nouvel Observateur serait mentir, mais son nom compte pour moi. Au moment où je me constituais en tant que cinéphile, ses écrits m'ont dirigé vers des films qui allaient me marquer au fer rouge. A la suite de l'article de Première, je me suis empressé de me procurer des films comme L'Homme à la peau de serpent, de Sidney Lumet (d'ailleurs, Nicolas Cage, dans Sailor et Lula, de David Lynch, avec sa veste en peau de serpent, faisait la couverture du Première en question), Le Corrupteur, de Michael Winner, Viva Zapata, d'Elia Kazan ou Jules Cesar, de Joe Mankiewicz. J'ai ensuite enrichi ma filmothèque de films de Mankiewicz, en visionnant All about Eve (quel film extraordinaire !), Chaînes conjugales, Quelque part dans la nuit, Le Reptile, La Comtesse aux pieds nus, Le Château du dragon (vu au cinéma Le Champo) ou Guêpier pour trois abeilles (vu à l'Action Christine) après avoir découvert ce réalisateur lors d'un cycle au Cinéma de minuit consécutif à son décès en 1993 (les films programmés furent L'Aventure de madame Muir, La Maison des étrangers, L'Affaire Cicéron, On murmure dans la ville, Soudain l'été dernier et Le Limier).
Son discours a donc d'autant plus de poids qu'il est prononcé par quelqu'un de passionné par le cinéma et qui se désole de voir un art qu'il a vu évoluer depuis trois décennies se dévoyer sous l'effet dévastateur de la télévision et du nivellement vers le bas qu'elle entraîne dans son sillage. Le portrait de la situation actuelle ferait fuir les prétendants producteurs, tant la perspective du pain sec et de l'eau (du robinet en plus) attend les nouvelles générations qui entendent fabriquer un film ambitieux et de qualité sans l'apport de la télévision et des gros distributeurs.
Pour ma part, ce désert culturel motive le producteur en herbe que je m'efforce d'être. Entrer en résistance peut (doit) donner naissance à des projets exigeants, ambitieux, à l'encontre du goût du jour fabriqué par les conseillers en communication des grandes chaînes de télévision. Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois, dit un dicton populaire que j'ai plagié pour un post précédent. Mais ceux qui ont une vue perçante sont des seigneurs, car leurs films se démarqueront à la fois de la production courante et des médiocrités inabouties qu'un système de financement bancal a condamné d'avance au bâclage.
Il existe autour de moi un film in progress dont le sous-financement et le mépris du couple télévision-distributeur pour son exigence me met mal à l'aise. Pourtant, le producteur, le réalisateur et son équipe se battent chaque jour pour transformer les contraintes qui s'abattent régulièrement sur la préparation en défis qui rendront ce film meilleur. Le potentiel du réalisateur en question,
sa passion pour son métier, la finesse et l'intelligence de son scénario, et le désir qu'il insuffle à son équipe finiront immanquablement par trouver une juste récompense.
Le succès inattendu de films comme La Vie des autres ou Little miss Sunshine est réconfortant car il prouve qu'il existe une troisième voie pour peu que l'audace et la conviction soient au rendez-vous.
En tout cas, cher Pascal, c'est quand vous voulez qu'on discute autour d'un café...

vendredi 6 avril 2007

Luigi Comencini (1916-2007)


Pinocchio doit être sacrément triste...
L'Incompris
est un chef d'oeuvre que je vous invite à (re)découvrir.
Et dire que je parlais dans un post précédent de Pain, amour et fantaisie... et de l'accent provençal de ses comédiens.
Grazie per tutto, Luigi

51, rue de Bercy

Le cinéma s'affiche de plus en plus dans les musées. Le Centre Georges Pompidou, fringant trentenaire, a organisé plusieurs expositions ces dernières années, consacrées à Alfred Hitchcock, Jean Cocteau ou Jean-Luc Godard. Ces manifestations sont accompagnées de rétrospectives exhaustives qui permettent de découvrir notamment les raretés de chaque metteur en scène et promouvoir ainsi la richesse de leur oeuvre. L'Auditorium du Louvre organise régulièrement des séances spéciales. Je me rappelle d'un cycle Tod Browning, dont les films étaient projetés en copie restaurée avec un accompagnement au piano. Et il faut voir les pavés qui servent de catalogues ! Ça fait classe d'en posséder un dans sa bibliothèque... Le cinéma est donc devenu un art à part entière, puisqu'il est confronté à des tableaux modernes de Dali ou de Chirico. En outre, les oeuvres sont remises en perspective à partir d'inspirations tirées d'autres arts figuratifs, alors qu'elles ont longtemps été considérés comme les enfants trisomiques de la littérature.
Moi, cette déification ne me dit rien qui vaille (ça y est, je me mets à râler...). C'est le premier pas vers la marginalisation du cinéma classique. C'est très bien que les films classiques intègrent les musées s'ils étaient également projetés dans les salles. Il y a bien des opérations ponctuelles de la part de certains éditeurs DVD comme STUDIO CANAL ou MK2 de projections de films comme Nous nous sommes tant aimés, d'Ettore Scola, La Fille à la valise, de Valerio Zurlini, ou les Chaplin, dans les salles UGC. Mais ces sorties, bien que louables, servent essentiellement à lancer un DVD. A ce titre, il faut saluer l'action des Cinémas ACTION qui permettent aux films d'être accueillis dans d'excellentes conditions dans les salles du groupe, grâce à une politique de distribution indépendante basée sur un réel amour du cinéma et une volonté jamais démentie de partager des émotions. La vraie place des films est donc dans les salles. Il y a une dichotomie entre les films pour les salles et ceux pour la cinémathèque, ceux qui sont destinés au public (chose étrange et de plus en plus uniforme dont les goûts sont orientés vers des films qui se ressemblent souvent), d'autres destinés aux "connaisseurs". Ce qui est bizarre, c'est que mon premier se dit amoureux du cinéma parce qu'il consomme à profusion les films dans les salles UGC muni de son indispensable carte illimitée, alors que le second passe pour un aigri pisse-froid donneur de leçons qui passe le plus clair de son temps à déblatérer sur une époque révolue et à critiquer le cinéma actuel alors que celui-ci se porte comme un charme (voir les chiffres constamment en hausse de la fréquentation). En plus, ils jouent les Cassandre en prédisant la mort prochaine de cette période de grâce (voir l'excellent ouvrage de Pascal Mérigeau Autopsie d'un meurtre, Flammarion, mars 2007)...
Pour ma part, je n'ai jamais mis les pieds dans ce haut-lieu de la cinéphilie qu'est la Cinémathèque de la rue de Bercy. Je n'allais déjà pas souvent aux anciennes (voir post Viscontithèque), mais à regret. Pourtant, il y a eu un sacré programme depuis un an et demi qu'elle a posé ses guêtres dans l'immeuble dessiné par Frank Gehry (expositions Almodovar, Renoir et sur l'expressionnisme allemend ; rétrospectives consacrées à Edmond T. Gréville, King Vidor, George Cukor et aux comédies italiennes entre autres.) Mais pourquoi l'avoir placée dans un lieu aussi excentré (ça me rappelle un dialogue entre deux personnages de Missouri Breaks, d'Artur Penn avec Marlon Brando et Jack Nicholson, qui se demandaient qui a eu l'idée de situer le Canada aussi haut...) Je déplore aussi cette politique de regroupement familial de la BIFI (Bibliothèque du Film), du musée du cinéma et de la Cinémathèque. J'ai le désagréable sentiment d'une ghettoïsation du film classique
, en plus de son institutionnalisation (la création d'institutions est un sport national français dans lequel notre beau pays termine régulièrement tout en haut du tableau des médailles.) Même si la Cinémathèque fait un travail remarquable qui mérite d'être soutenu et respecté, je ne peux m'empêcher de regretter l'image projetée par ce lieu qui ressemble à un sanctuaire de luxe dans lequel un public d'initiés - en général âgé - vient honorer un art menacé de disparition, comme on protège une espèce en voie d'extinction en le parquant dans une réserve ou un zoo.
Un film classique doit donc être projeté dans une salle de cinéma, pas seulement dans un musée ou en DVD...

Version originale

Un des sujets de discorde les plus violents pour un cinéphile concerne le respect de la version originale. Tout le monde s'accorde à penser que l'image est inaliénable, qu'un film en noir et blanc ne doit pas être colorisé, ou que le format de projection doit être respecté (l'inventeur du pan & scan devrait être pendu haut et court sur la place publique). En revanche, le son suscite moins de débats passionnés. On trouve normal que la voix du comédien, qui fait partie de son jeu, soit remplacée par la voix d'une autre personne qui n'a rien à voir avec le film. Le doubleur n'a sûrement pas été choisi par le réalisateur qui est le garant de l'intégrité artistique du film. Pourtant, personne ne trouve rien à redire, à part les puristes qui sont - c'est bien connu - des chipoteurs au discours d'arrière-garde. Que fait-on des accents et des expressions propres à une langue ? des modulations de voix ? Les intonations japonaises sont-elles traduisibles en une quelconque autre langue ? Il est vrai que le cinéma a d'abord été muet (silencieux comme disent plus justement les anglo-saxons) avant de prendre la parole. Mais quand même... Même ARTE ne passe plus de film en VO aux heures de grande écoute...
Quand j'étais gamin, je regardais "La dernière séance." Mon père était fan (l'est toujours d'ailleurs) des westerns et des films d'aventures. Il me demande encore souvent si j'ai des films de Randolph Scott ou Alan Ladd dans ma DVDthèque.
Eddy Mitchell était tout le temps entourée de grâcieuses spectatrices en émoi devant les connaissances cinéphiliques de maître Eddy. Je me suis dit que ce serait un bon plan pour draguer les nanas... C'est sûrement l'acte fondateur de ma cinéphilie... Enfin bref... J'étais alors persuadé - dans le même élan que mon frère aîné - que la terre entière parlait le français. Un peon mexicain, un pharaon d'Egypte, un consul romain ou un hors-la-loi du Kansas parlaient la langue de Molière avec la même aisance qu'un avocat du barreau parisien. Même Robin des Bois causait notre langue... Dans la forêt de Sherwood ou chez le shérif de Nottingham, point d'anglais à l'horizon... Et dans les films de guerre, même les belligérants communiquaient tous dans le même idiome (synonyme de langue que je viens de trouver pour ne pas avoir à me répéter). Le discours inaugural de Patton dans le film du même nom m'aurait fait repousser les Allemands jusqu'au Pôle Nord, tellement c'était beau et patriotique. En plus, il parlait français sur fond de drapeau américain (prenez ça dans la gueule, messieurs les Républicains !) Le rêve des hommes d'abolir les différences de langue se réalisait par la simple magie d'un doublage, qu'il soit synchrone ou pas. Babel n'est décidément qu'un mythe. Il était souvent trop tard pour voir le deuxième film diffusé en version originale (mais pas assez pour rater le dessin animé de Tex Avery entre les sénaces, qui LUI était en VO... j'en ai donc tiré la conclusion que l'anglais était une langue destinée aux cartoons), car il ne fallait pas arriver en retard à l'école le lendemain pour le cours d'anglais. A quoi bon prendre des cours d'anglais puisque notre planète, que dis-je l'univers ("On parle le français" était écrit sur toutes les bonnes auberges de Krypton, la planète de Superman), était familière des Fables de la Fontaine ? Seul Droopy résistait vaillamment à l'invasion impérialiste et hégémonique de notre langue...
J'étais donc dans l'ignorance de l'existence d'autres langages, du moins au cinéma. Les comédiens de théâtre à l'articulation forcée et emphatique doublaient des acteurs populaires comme John Wayne ou Humphrey Bogart (cherchez l'erreur...) Mais, le plus drôle, c'est le recours à l'accent marseillais pour doubler des comédies méridionales italiennes, telles que Pain, amour et fantaisie, de Luigi Comencini (1953), avec Vittorio de Sica et Gina Lollobrigida. A mourir de rire...
Comme le disent si bien nos amis italiens, traduttore tradittore...

jeudi 5 avril 2007

Save the planet...


En novembre 2000, la première élection d'un président des Etats Unis du XXIème siècle s'est déroulée sous fond de suspicions de tricheries et de manipulations de l'opinion publique, opérations orchestrées par les Républicains conservateurs de George W. Bush, gouverneur du Texas. L'Etat de Floride était l'objet d'irrégularités dans le décompte des voix. Après un mois de batailles juridiques, l'adversaire malheureux de W, Al Gore jette l'éponge pour éviter que le Président soit nommé par la Cour Suprême... Albert Gore Jr (c'est son nom complet, mais on aime bien utilise les diminutifs aux States) avait pourtant recueilli plus de suffrages que son vis-à-vis...
Qu'est donc devenu le candidat démocrate ? Il n'a pas tiré les leçons de cet échec en se retirant de manière définitive de la vie politique, mais a repris son cheval de bataille de la lutte contre le réchauffement climatique. Il a donné des conférences sur le sujet à travers l'Amérique et certains pays occidentaux pour sensibiliser sur les dangers que notre comportement "écologique" font peser sur la planète, en raison notamment des dérèglements climatiques.
Dans le documentaire, Une vérité qui dérange (An unconvenient truth), Davis Guggenheim filme une de ces conférences. Al Gore, dans un style qui relève plus du stand up que du meeting politique, fait une démonstration convaincante, images et chiffres à l'appui, sur les conséquences des gazs à effet de serre sur les conditions météorologiques extrêmes enregistrées ces dernières années. Même si les projections sont effrayantes, l'espoir de revenir à une situation plus conforme à la vitalité de notre belle planète bleue est réel si la mobilisation en faveur d'une attitude écologique citoyenne est immédiate et inconditionnelle.
Un ami américain (et oui, j'ai un ami américain qui n'est pas le même que celui de Wim Wenders) m'a parlé du scepticisme, mâtiné de cynisme des Républicains conservateurs sur ce sujet. Ils ont surnommé l'ancien vice-président Gore "Ozone man". En outre, la plupart d'entre eux pensent que le réchauffement climatique est un canular. Il faut dire que le Président Bush et le vice-président Cheney ont des intérêts dans l'industrie pétrolière. Leur conduite politique du pays est si désastreuse que leur discours est discrédité. Certains états appliquent donc le protocole de Kyoto, malgré le fait qu'il n'a pas été ratifié par le gouvernement fédéral.
Cette mobilisation ne doit pas avoir de frontières. La campagne présidentielle française a fait de la question écologique une des priorités du débat. Espérons que ce ne soit pas seulement un effet de mode. Nicolas Hulot porte avec sincérité et expertise ce thème sur ses épaules. En revanche, il est plus difficile d'imaginer l'équivalent politique français de monsieur Gore "jouer" (il aurait pu faire un bon comédien, le bougre !) dans un documentaire. Ce serait à mourir de rire de voir Jean-Pierre Raffarin donner un cours de communication sur la préservation des espèces menacées, en Poitou-Charentes et ailleurs... surtout s'il le fait en anglais (win the yes
for the planet against the no will win the yes...).
Sur ce, je vais trier ma poubelle et prendre les transports en commun pour faire mes courses au supermarché bio (il faut bien montrer l'exemple...)

Gene Tierney


Puisqu'on parle nana, je voudrais évoquer l'actrice qui a le plus touché mon coeur : Gene Tierney. Elle est tout simplement splendide, tout en étant extrêmement talentueuse. Elle a tourné avec tout ce que Hollywood comporte de réalisateurs originaires d'Allemagne ou d'Autriche, comme Fritz Lang (Le retour de Frank James), Josef von Sternberg (Shanghai gesture), Ernst Lubitsch (Le Ciel peut attendre) en passsant par Otto Preminger (Laura, Le Mystérieux docteur Korvo). Je suis littéralement tombé amoureux d'elle en découvrant L'Aventure de madame Muir, de l'immense Joseph L. Mankiewicz (encore un nom qui fleure bon l'Europe de l'Est), où elle était touchante de charme, de beauté et de grâce. Depuis, j'ai vu presque tous ses films, y compris les plus rares comme La Route au tabac, de John Ford. Elle est d'ailleurs extraordinaire dans Péché mortel de John M. Stahl, où elle interprète un cruel personnage de femme jalouse et névrosée qui n'hésite pas à assassiner le frère handicapé de son fiancé. Et pourtant, on l'aime quand même (en tout cas, c'est mon cas...) Je vous invite à vous attarder sur la photo en couleurs de ce film qui est absolument remarquable, en plus d'être puissamment porteuse d'émotions.
Comme quoi, le cinéma est avant tout une histoire d'amour...

mercredi 4 avril 2007

Virginia Mayo


A la demande générale (que je devance promptement), voici une photo de Virginia Mayo dans La Fille du désert (Colorado Territory) de Raoul Walsh. En plus, elle a un sacré caractère !!!

Titres à rallonge

Si vous voulez faire des progrès en conjugaison, en ponctuation ou en syntaxe, je vous suggère d'étudier les titres de certains films français récents. Ils sont de plus en plus longs et alambiqués. Tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir des parents communistes, Comment je me suis disputé (ma vie sexuelle), De battre mon coeur s'est arrêté, Le quatrième morceau de la femme coupée en trois, Il a suffi que maman s'en aille..., Je vais bien, ne t'en fais pas, Ne le dis à personne, Pars vite et reviens tard : le pitch de ces films tient presque dans les quelques lignes du titre. Il faut s'appeler maître Capello pour respecter les accords de conjugaison et les règles de pluriel. L'impératif et le subjonctif présent sont de mise. Pour peu qu'on tombe sur une hôtesse de caisse (c'est le terme officiel pour qualifier les caissières de cinéma) dure d'oreille, vous en êtes quitte pour répéter à de nombreuses reprises l'interminable titre en question. Si en plus, l'hôtesse de caisse est pointilleuse et ne donne pas le précieux sésame tant que la mention du titre ne sera pas expurgée des inévitables erreurs de syntaxe qui ne manqueront pas de se former, les queues devant les cinémas s'allongeront proportionnellement aux titres de ces films (même si ce n'est pas forcément pour voir les films sus mentionnés...).
A mon sens, le titre d'un film est la première chose que l'on sait d'une oeuvre. C'est une marque de son identité. Quelque part, c'est l'équivalent de son prénom. On n'imagine mal un réalisateur français appeler son enfant Jean-François-Henri-Camille-Louis-Marie-Bertrand-Galouzeau-de-Villepin-de-Montmorency-sous-bois... Je vous raconte pas le temps que durera l'appel dans les écoles... On ne peut décidément pas nier qu'il existe bel et bien une exception française...

lundi 2 avril 2007

Les borgnes sont rois...

Pour réaliser de bons films dans le cinéma classique américain, il vaut mieux être borgne. Fritz Lang, Raoul Walsh, John Ford, André de Toth arboraient tous un bandeau sur l'oeil. A croire que pour réaliser un chef d'oeuvre, il faut déposer un oeil en caution à la caisse des dépôts des producteurs US... Si ça se trouve, ils avaient un crochet au bout du poignet qu'ils dissimulaient sous une main artificielle ou une jambe en bois planquée sous une prothèse... Et le pire, c'est qu'ils ont pratiquement tous réalisés des films de pirates, notamment Fritz Lang (Les Contrebandiers de Moonfleet, 1955) et Raoul Walsh (Barbe Noire le pirate, 1952, avec la sublime Linda Darnell.) Ce n'est pas étonnant que Martin Scorsese et Michael Henry Wilson, dans le remarquable documentaire Voyage avec Martin Scorsese à travers le cinéma américain, consacrent une partie aux réalisateurs contrebandiers (smugglers). Ils attaquent le système de l'intérieur grâce à des films subversifs financés par les studios. Cette appellation cachent vraisemblablement une appartenance à la piraterie.
Raoul Walsh est un auteur particulièrement intéressant. Tel un musicien, il décline à longueur de film le même thème en y ajoutant certaines variations liées au genre. High sierra, grand film noir avec Humphrey Bogart réalisé en 1940, se verra même affublé d'un remake en western en 1949 (Colorado territory, avec la sublime Virginia Mayo. Que Linda Darnell me pardonne cette infidélité !). Il y a par ailleurs des similitudes criantes entre Aventure en Birmanie et Les Aventures du capitaine Wyatt qui mettent en scène tous deux un groupe de personnages dans un territoire hostile qui s'en sortent grâce à un guide charismatique (Errol Flynn ou Gary Cooper dans les deux films précités). D'autre part, il fait preuve d'une noirceur qui ferait passer Julien Duvivier pour un incurable optimiste. Saboteur sans gloire avec Errol Flynn en est un exemple criant : un condamné à mort se sacrifie à la place de douze innocents habitants d'un village français que les nazis veulent exécuter pour se venger du sabotage d'un pont. Quelle issue pour l'(anti) héros ? La potence ou le peloton d'exécution. Plus noir encore : White heat avec un James Cagney survolté en bandit cruel oedipien qui se prend d'affection pour un flic infiltré dans son gang... Mais il y a la sublime Virginia Mayo (je la demanderai bien en mariage si j'avais 50 ans de moins) qui vient apporter une touche de douceur... Il n'avait pas son oeil dans la poche pour choisir d'aussi ravissantes actrices, le bougre.
Dans une autre vie, j'ai commencé un mémoire de cinéma sur le récit dans Les Affranchis et Casino de Martin Scorsese. L'influence de Walsh est incontestable. En plus d'être un grand admirateur de ces films de gangsters des années 30 (Les fantastiques années 20, Une femme dangereuse entre autres), il pousse à son accomplissement dans Casino le dispositif narratif mis en place dans Les Affranchis tout en continuant à traiter le thème de la pègre. Variations sur le même t'aime. C'est la même chose, mais c'est pas pareil, comme on dirait dans la pub.
Pour finir, je ne saurai que trop vous recommander la lecture de l'excellent ouvrage - malheureusement épuisé, mais qu'on trouve encore dans toute bibliothèque qui se respecte - de Michael Henry Wilson, Raoul Walsh ou la saga du continent perdu, Cinémathèque française, 2001. En plus, il y a des photos de Virginia Mayo...

dimanche 1 avril 2007

Crash test

Pour changer, j'aimerais évoquer des films récents. Comme ça, on ne me taxera pas d'ancien combattant nostalgique d'un temps que je n'ai de surcroît pas connu...
Je viens de voir Crash, de Paul Haggis. Un film qui porte bien son nom. Des destins individuels s'entrechoquent, se téléscopent, entrent en collision (les distributeurs ont dû se creuser les méninges pour traduire "crash" en français) dans cette terrifiante Amérique du début du XXIème siècle. Le racisme y est évoqué frontalement et le scénario pointe du doigt les effets dévastateurs engendrés par la politique ultra-sécuritaire de l'administration Bush (sans que le nom de W et de ses sbires ne soient cité, ce qui est fort). C'est encore plus efficace qu'un énième documentaire sur les conséquences du 11 septembre sur les différentes communautés.
24 heures avant la nuit, de Spike Lee, m'a, dans un autre registre, beaucoup marqué. Le monologue d'Edward Norton devant le miroir des toilettes du restaurant est particulièrement brillant et impressionnant. Pendant cinq bonnes minutes, il éructe
sur tout ce qui bouge, y compris sur lui-même, à grand renfort de "Fuck" bien sonores. Tout le monde en prend pour son grade, en premier lieu le politiquement correct. Cette scène digne de Taxi driver a fait monter en moi un sentiment de colère et de révolte. Une envie de s'extirper de cette apathie qui me handicape cruellement. En gros, je me suis dit : "Bouge-toi le cul avant qu'il ne soit trop tard..."
Une réflexion me vient alors : pourquoi n'y a-t-il pas de tels films en France ? Le cinéma, comme tout media populaire, est le reflet de la société, un miroir grossissant de nos différents travers. Or, le cinéma français est une vitre transparente qui ne reflète pas grand chose. On a un problème avec notre mémoire collective. Peu de films sur la Seconde guerre mondiale, la guerre d'Algérie, la colonisation, les affaires politiques, la cohabitation, le terrorisme, le chômage... Le consensus mou qui occupe les écrans n'est qu'une image de la frilosité ambiante. Prenons l'initiative de faire des films de qualité en prise avec la société tout en conservant une indispensable exigence artistique. Arrêtons de nous voiler la face en nous disant que nous sommes le bastion de l'exception culturelle...
Pourquoi le pays de l'entertainment et du dollar-roi arrive-t-il à secouer les consciences avec des films qui s'engagent et pas nous ? Parce qu'ils construisent leur mémoire au jour le jour et l'interrogent constamment à travers leurs médias ? Ils sont les propres acteurs de leur mémoire. Et le pire, c'est que ces films américains sont de qualité, impeccablement interprétés, remarquablement écrits, mis en scène avec brio. Même nos voisins affrontent leurs propres démons avec talent (cf : penser à voir La Vie des autres, de Florian Henckel von Donnersmarck, premier film écrit et réalisé par ce réalisateur allemand) alors que nous, on a du mal.
Je garde espoir car cela ne va pas durer éternellement. Une nouvelle génération de réalisateurs et de producteurs va surgir pour nous proposer des films moins consensuels et plus exigeants, aussi bien intellectuellement qu'artistiquement. Que ceci soit écrit et accompli !